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Titre de la source : Vers le célibat forcé des prochains générations - L'Asie manque de femmesAuteur(s) : Isabelle Attané
Éditeur(s) : Europe solidaire sans frontières
Pays d'édition :
Année : 2006
Vers le célibat forcé des prochains générations - L'Asie manque de femmes (PDF, 42 Ko)
Pourquoi l’Asie manque-t-elle de filles ? Quelle est l’ampleur de ce déséquilibre ? Comment peut-on l’expliquer, et quelles en sont les conséquences ? Dans cet article, la démographe et sinologue Isabelle Attané analyse le « manque de filles » qui touche plusieurs pays d’Asie.
Dans nombre de pays asiatiques, les inégalités de sexe prennent une tournure dramatique et portent même atteinte à l’équilibre démographique. Sans intervention humaine, les femmes y seraient plus nombreuses de quatre-vingt-dix millions – l’équivalent d’une fois et demie la France. Ces pays ne verraient pas forcément leur population augmenter, mais les hommes n’y seraient plus en écrasante majorité. Avortement sélectif, maltraitance des femmes, politique de l’enfant unique en Chine, pressions pour un contrôle des naissances partout ailleurs ont mené à cette situation inédite dans le monde. Les raisons en sont à la fois politiques, économiques, sociales, culturelles et religieuses… mais souvent fort éloignées des idées toutes faites. Ainsi, par exemple, les familles les plus riches ne sont pas les moins sélectives.
Début de l’article :
« « Quel genre de femme je souhaite ?, s’étonne un jeune Chinois d’une trentaine d’années. Peu importe ! Il est tellement difficile de trouver une femme aujourd’hui. J’en veux une, c’est tout ! » Dans nombre de pays d’Asie, trouver une conjointe n’est pas si simple.
On estime que, chaque année à partir de 2010, plus d’un million de Chinois resteront des candidats bredouilles au mariage, faute de femmes. Dans certains villages de l’Etat indien du Pendjab (au nord), par exemple, des hommes partent en quête d’une épouse dans d’autres Etats du pays, comme le Rajasthan ou l’Orissa, du fait de la pénurie de femmes à marier.
L’Inde et la Chine, qui représentent à elles seules plus du tiers de la population mondiale (37 %), partagent en effet une caractéristique pour le moins atypique : un déficit de femmes. Cette anomalie démographique est cependant loin d’attirer l’attention qu’elle mérite, et le premier cri d’alarme, lancé en 1990 par Amartya Sen, économiste indien devenu prix Nobel d’économie en 1998, est demeuré sans écho : « Plus de cent millions de femmes manquent aujourd’hui (1) » dans le monde, l’immense majorité en Chine et en Inde.
Dans une population donnée, quand hommes et femmes sont traités sur un pied d’égalité et si les femmes n’ont pas une propension à migrer plus forte que celle des hommes, elles sont naturellement majoritaires. Si l’Asie se pliait à cette règle générale en enregistrant une légère prépondérance féminine, elle compterait quelque quatre-vingt-dix millions de femmes supplémentaires, une fois et demie la population de la France.
La Chine, qui, il y a encore trente ans, s’imposait comme l’un des fleurons du communisme mondial, fervent défenseur de l’égalité des sexes, est désormais l’un des pays où les discriminations envers les femmes, sur un plan démographique, sont les plus aiguës. Revers de la libéralisation économique et sociale dans ce pays, les rapports de pouvoir traditionnels, structurellement défavorables aux femmes, resurgissent. L’Inde, grande puissance économique émergente – actuellement au septième rang des puissances industrielles mondiales -, discrimine, elle aussi, ses femmes.
Avec ces deux géants, sont également touchés le Pakistan, le Bangladesh, Taïwan, la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, l’Indonésie – pays qui, à eux seuls, regroupent trois des six milliards et demi d’habitants de la planète. Elimination des filles par les avortements sélectifs, traitements inégaux des enfants selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, statut social secondaire et mauvaises conditions sanitaires à l’origine d’une surmortalité féminine dans l’enfance et à l’âge adulte représentent autant de particularités qui concourent à ce déficit. » Lire la suite
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