Ressource
Titre de la source : Participation et représentation des femmes : les cas du Rwanda et de l'Afrique du SudAuteur(s) : Portia Lewis
Éditeur(s) : IEP de Bordeaux (Mémoire de M2)
Pays d'édition : France
Année : 2007
Participation et représentation des femmes : les cas du Rwanda et de l'Afrique du Sud (PDF, 574 Ko)
Sur le plan de la participation et de la représentation politiques des femmes, le Rwanda et l’Afrique du Sud ont au moins un point commun : le taux élevé de la représentation des femmes dans les instances de prise de décision. En 2007, le Rwanda était en tête du classement avec 48,8 % de femmes au parlement (63,75 % en 2014) et l’Afrique du Sud en 12e place, avec 32,8 %. Ces taux de représentation sont encore plus impressionnants quand on considère que les femmes constituent aujourd’hui dans le monde une moyenne de 16,4 % des législateurs dans les chambres hautes et les chambres basses des parlements.
Quels sont les facteurs qui ont permis aux femmes du Rwanda et d’Afrique du Sud de réussir en moins d’une génération ce que la Suède, par exemple, a mis cinquante ans à réaliser ? Que peut-on espérer de ces gouvernements plus égalitaires politiquement parlant ?
Ce mémoire de Master 2, rédigé par Portia Lewis, cherche à expliquer ces taux élevés de femmes parmi la représentation nationale. Son hypothèse est que le génocide dans l’un des pays et la fin de l’apartheid dans l’autre ont créé des « structures d’opportunité politique ». Ce concept des savants des sciences politiques fait référence aux changements d’accès au pouvoir qui permet à ceux (et à celles) qui sont normalement exclus des structures de pouvoir d’y accéder. Dans ce sens, on peut considérer que le traumatisme du génocide d’une part et la recomposition des structures de la société postapartheid de l’autre ont représenté des fenêtres qui s’ouvrent pendant un certain temps au changement, tout en se refermant plus ou moins ensuite. Au Rwanda comme en Afrique du Sud, l’élément clé étaient la force des mouvements de femmes, prêts à sauter dans la brèche ouverte par un événement absolument horrible au Rwanda et par l’aboutissement enthousiasmant d’une lutte longue et acharnée pour des libertés fondamentales en Afrique du Sud. Au Rwanda, toutes les femmes avaient vu des atrocités, beaucoup se sont retrouvées veuves, encore plus avaient survécu à des viols, contraintes de surmonter leur traumatisme individuel toutes seules dans cette situation où l’humiliation du groupe a souvent occulté la peine des victimes. Etait-ce ce poids indescriptible qu’elles ont pu transformer en énergie positive pour revendiquer leur représentation politique ? En Afrique du Sud, les revendications spécifiques des femmes étaient souvent secondaires au sein de la lutte anti-apartheid, mais les parallèles entre la domination des populations noires par les Afrikaners et celle des femmes par les hommes ont été mis à l’agenda. Battre sa femme en rentrant d’une réunion ANC (Africain National Congrès) relève d’une incohérence inadmissible – les femmes ont mis le doigt sur ce clivage entre discours et faits et entre sphères publique et privée, les incitant à élargir leurs revendications initialement très liées aux besoins fondamentaux vers la représentation politique.
Dans les deux cas, ce n’est pas seulement le nombre des femmes au parlement qui a évolué, mais l’image des femmes – celle qu’elles avaient d’elles-mêmes et celle qu’en avait la société de son ensemble. C’est toute la construction sociale des rôles qui a été chamboulée et qui a évolué infiniment plus vite qu’en temps « normal ». Si la situation est aujourd’hui loin d’être parfaite dans ces deux pays (taux de violences liées au genre très élevé en Afrique du Sud, manque de moyens accordés aux structures représentant les femmes au Rwanda, etc.), les progrès accomplis en quelques décennies restent impressionnants et peuvent nous servir d’exemples.
Est-ce cela veut dire qu’il faut passer par des événements aussi exceptionnels qu’une révolution ou un traumatisme collectif pour faire changer les rôles, les droits et le statut des femmes ? Bien sûr que non… Mais l’importance des mouvements féministes est à retenir, des structures démocratiques et inclusives de représentation des femmes du bas vers le haut, des fédérations de toutes ces associations qui œuvrent encore trop souvent sans concertation et synergie.
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