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Titre de la source : Libre : la loi du genreAuteur(s) : Joelle
Année : 2004
Libre : la loi du genre (sur le blog de Joelle Palmieri)
Dans un contexte de communication libérale, comment donner les moyens aux groupes de femmes porteuses d’alternatives économiques, sociales, culturelles et politiques de rendre visibles leurs pratiques, expériences, savoir-faire ? Comment rompre avec les inégalités hommes-femmes ? En quoi les TIC peuvent-elles armer les résistances ? En quoi le logiciel libre répond-il aux besoins du genre, et inversement ?
Voici un texte de Joelle Palmieri qui plaide pour l’utilisation du logiciel libre par les groupes de femmes, les féministes et tou-te-s les activistes qui travaillent sur les questions de genre.
Début du texte :
« Nous vivons une époque sous l’emprise du développement impressionnant des techniques et technologies de communication dont les répercussions s’étendent aux sphères sociale, économique, politique et culturelle, avec des implications sérieuses sur l’avenir même de la vie démocratique. On constate une hyper-concentration des ressources qui renforce la tendance à la formation de monopoles et oligopoles privés dans le secteur de la communication. Ce constat n’est pas très éloigné du fait que le développement technologique est mis en oeuvre essentiellement comme partie intégrante du processus de mondialisation.
Aussi, l’information et la communication constituent un secteur économique en tant que tel (à haut taux de profit), dont les produits doivent être valorisés comme des marchandises, ayant tendance à annuler toute notion de service public, avec lequel la communication a toujours été associée.
Le rôle des médias
A l’heure des concentrations démesurées, des canaux sans contenus et de la sous-information, il est opportun de constater que les médias sont plutôt à l’état d’essai, de tentative, de concept non abouti, de début. Afin d’y voir plus clair, commençons par prendre le terme média au singulier. Un média est censé être au centre, un moyen de communication, un lien entre émetteur et récepteur. Il semblerait aujourd’hui que c’est un fil vertical, tendu, à sens unique, du haut vers le bas et privatisé… Et ces fils, ou tuyaux, sont à remplir, et le plus rapidement possible ! Où donc est passé l’espace temps, celui qui permet d’élaborer sa pensée, d’affiner sa réflexion, de s’exprimer librement… Où la loi du marché place-t-elle le lecteur, l’auditeur, le téléspectateur, nommés comme tels, c’est-à-dire au masculin par les détenteurs du pouvoir informationnel ?
Plus de place désormais à l’imaginaire, à l’innovation, à l’expression et à l’échange. Toutes choses qui méritent qu’on prenne le temps. En l’état actuel du secteur, difficile d’envisager une presse où le « consommateur » ne soit pas passif. On se retrouve ainsi avec des informations sur mesure – chez certains diffuseurs, les chaînes ou émissions sont créées à partir de la mise de départ, à savoir, si Reebook investit, alors on crée une émission de basket -. Dans les pays du Sud, la situation est bien plus grave. En Afrique ou dans les pays émergents comme le Brésil, le pire de la télévision est déversé dans les canaux des chaînes publiques ou privées : des modèles et références du Nord, qui ont encore moins à voir avec les réalités vécues par les femmes et les hommes du crû. Pire encore, concernant les journaux d’actualités, on est confrontés à des informations qui n’en sont pas, parce que tronquées, choisies et saucissonnées.
Pour de nouveaux modèles
Ce sont principalement des hommes, qui font des choix, ou plutôt les imposent à leur cible, des individu-es qu’ils considèrent consommant-es et non pensant-es. Les chiffres témoignent. Dans son rapport sur la question des femmes et des médias publié en 1995 pour l’Unesco, Margaret Gallaguer est formelle : les femmes sont « visibles, mais vulnérables ». Que ce soit en tant qu’actrice (journaliste), ou en tant que sujet, les femmes sont quasiment inexistantes. Il faut dire que le casting dans les rédactions en chef est sévère. Des hommes décident des sujets à traiter, des femmes font les reportages et pas pour n’importe quelle rubrique. Elles sont pratiquement exclues des domaines concernant l’économie, le sport et la politique.
De nombreuses études sur le sujet, et notamment les travaux de l’Association des femmes journalistes sur la presse généraliste, en attestent. Depuis leur formation jusqu’à leur exercice sur le marché du travail, les femmes journalistes sont confrontées à de réelles barrières éditoriales et de travail, édictées par leurs rédactions en chef. Phénomène peu connu, ce sont massivement des femmes qui se retrouvent reporters de guerre ou de terrain, situation précaire au possible, qui rend extrêmement difficile toute promotion « interne ». Par ailleurs, les sujets proposés, quels qu’ils soient, ne doivent en aucun cas présenter une dimension de genre. Par contre, les sujets sur les femmes, en tant que victimes ou stars du sport ou du show business sont les bienvenus.
Aussi, « les revues féminines restent un fief d’images dévalorisantes ». Toute tentative de traitement de l’actualité avec une perspective de genre est sujette à caution, voire soumise à des pressions universalistes, quand ce n’est pas justement rejetée au rang de presse spécialisée. Par exemple, il est désormais courant que le sujet-même du féminisme fasse l’objet d’un magazine ou d’une émission-débat à part entière.
Mais, c’est le plus souvent pour mieux se gausser de ce « mouvement d’arrière-garde ». Ou alors, on s’entretient avec une féministe-alibi sur des sujets comme la cosmétique, l’amour… en cherchant un « contrepoint » comme si, d’emblée c’était antinomique. Ou bien encore, les émissions ou dossiers « sérieux » sur la guerre, les enjeux géopolitiques de telle ou telle partie du monde, se retrouvent bondées de signatures masculines et quand bien même il y en aurait une féminine, elle doit emprunter les codes de dialogue masculins, c’est-à-dire universalistes et surtout pas différenciés selon les sexes.
Les logiques d’exclusion sont donc doubles : au niveau de la place faite aux femmes dans la profession à proprement parlé et au niveau de l’information traitée, où la vision « masculine » est prédominante,
Or, la prolifération et la diversité des sources, entre autres des réseaux sur Internet et plus seulement des agences qui pré-mâchent et trient (AFP, Reuters, BBC…) – devraient permettre l’apparition de nouveaux modèles de traitement de l’information. Un élargissement du champ d’investigation, la mise en place d’un media enfin transversal et interactif où le « push », ce qu’on connaît aujourd’hui, laisserait la place au « pull », c’est-à-dire les contenus endogènes portés par la société civile. Une nouvelle voie, pour éventuellement faire émerger des contenus, qui prennent en compte les rapports sociaux de sexe et le contexte planétaire de domination masculine. Lire la suite sur le blog de Joelle Palmieri
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