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Titre de la source : Intégration de la dimension "genre dans les projets de transport rural"Auteur(s) : Mireille Rabenoro
Éditeur(s) : Banque Mondiale
Pays d'édition : Madagascar
Année : 2002
Intégration de la dimension "genre dans les projets de transport rural" (PDF, 435 Ko)
Réalisée en 2002 par Mireille Rabenoro pour le compte de la Banque Mondiale, cette étude a pour objectif l’intégration de la dimension genre dans un projet de transport rural. Elle a identifié et et analysé les questions de genre susceptibles de se poser dans le cadre de la mise en œuvre du projet, en particulier en ce qui concerne d’une part la construction et la maintenance des routes selon la méthode Haute Intensité de Main d’oeuvre (HIMO), et d’autre part les moyens intermédiaires de transport (MIT).
Synthèse de l’étude :
La présente étude sur l’intégration de la dimension ’genre’ dans les projets de transport rural a pour finalité l’identification des principales questions de genre liées au transport rural, afin que les projets financés par la Banque mondiale dans ce secteur puissent prendre en compte les besoins spécifiques des hommes et des femmes en matière de transport en milieu rural.
Pour ce faire, le partage des tâches domestiques a d’abord été examiné. Il ressort des différentes études disponibles que d’une manière générale, à Madagascar il incombe aux femmes et aux fillettes d’assurer l’approvisionnement du ménage en eau, et aux hommes et aux garçons l’approvisionnement en bois, tant pour les besoins quotidiens (bois de cuisson) que pour les constructions/réparations/entretien des habitations. Cependant, chez les enfants et les jeunes, cette division du travail selon le genre tend à être modifiée par le statut, selon que les filles et les garçons sont scolarisés ou pas. Dans ce dernier cas, ce sont les filles non scolarisées qui consacrent le maximum d’heures aux tâches domestiques, qu’il s’agisse de la corvée d’eau, de bois ou du ménage.
Il faut signaler que la corvée d’eau est particulièrement pénible dans les régions arides du Sud, où l’eau est rare et coûte plus cher qu’ailleurs aux femmes, tant en termes d’argent que de temps et d’énergie humaine.
Une différence significative apparaît dans la manière dont les hommes et les femmes s’acquittent de leurs responsabilités respectives : alors que les femmes accomplissent la corvée d’eau chaque jour, sans doute parce que les ménages ont besoin d’eau fraîche quotidiennement, et manquent de récipients de contenance suffisante pour transporter et pour stocker l’eau en grande quantité, les hommes ne vont à la corvée de bois qu’à des intervalles plus espacés, le bois ne nécessitant pas de dispositifs spéciaux pour le stockage. Parce qu’ils transportent alors du bois en quantité assez conséquente, ils utilisent souvent des moyens de transport intermédiaires, habituellement la charrette, alors que les femmes vont à la corvée d’eau à pied et portent généralement elles-mêmes les récipients contenant l’eau.
Concernant l’accès des filles et des femmes aux services sociaux de base – l’éducation et la santé – elles ne sont pas désavantagées par rapport aux garçons et aux hommes. C’est surtout entre milieu urbain et milieu rural que sévissent de graves disparités. La population rurale des deux sexes souffre de la très faible accessibilité des services sociaux de base en milieu rural. Cependant, les filles sont particulièrement victimes de l’éloignement des écoles secondaires du premier cycle, qui induit leur abandon scolaire précoce, et les femmes de l’éloignement des hôpitaux équipés pour traiter les complications de l’accouchement, cause d’un taux de mortalité maternelle élevé en milieu rural.
L’état actuel des connaissances du milieu rural ne permet pas de déceler une quelconque disparité dans l’accès des hommes et des femmes aux marchés. Par contre, dans ce domaine également, c’est la population rurale dans son ensemble qui souffre d’une marginalité par rapport aux opportunités des marchés intérieurs et extérieurs.
Comme dans les corvées d’eau et de bois, c’est le volume transporté qui semble déterminer si c’est l’homme ou la femme qui se charge de la commercialisation des produits agricoles. Lorsque le volume est important, c’est l’homme qui se charge d’acheminer les produits jusqu’au marché, souvent en charrette ou en taxi-brousse. Quand le volume est fractionné en quantités plus réduites, ou qu’il s’agit de volailles et non de têtes de bétail, c’est à la femme que revient la responsabilité de transporter les marchandises jusqu’au marché.
Ce schéma général est cependant à moduler : dans la province d’Antsiranana, où les femmes jouissent souvent d’une autonomie plus grande que les femmes des autres régions, elles se chargent de la commercialisation des produits, quels qu’en soient le volume et la nature. Dans le sud, par contre, il y a des cultures d’hommes et des cultures de femmes, et les uns et les autres se chargent de leurs cultures propres, de la préparation du sol jusqu’à la commercialisation.
Concernant l’augmentation du parc des moyens intermédiaires de transport (MIT) visée par le projet en cours, l’analyse de la situation actuelle a fait ressortir que ce sont souvent les hommes qui en sont à la fois les utilisateurs et les propriétaires. Les femmes, par contre, semblent plus présentes dans le commerce de ces moyens intermédiaires de transport.
S’agissant de faciliter l’acquisition de MIT par les femmes selon leurs besoins, l’analyse de l’accès des femmes aux ressources fait ressortir la complémentarité du travail des hommes et des femmes, le fruit en étant mis en commun. L’affectation des dépenses se répartit généralement comme suit : l’argent obtenu du travail des femmes (artisanat, volailles, certaines cultures) est utilisé pour les dépenses courantes du ménage, tandis que les sommes plus importantes obtenues des cultures de rente et de la vente du bétail sont consacrées aux dépenses d’investissement (acquisition de nouveaux lopins de terre, d’outils de production, etc.).
Concernant le contrôle des ressources, la prise de décision se fait généralement par consultation au sein du couple sauf, semble-t-il, dans l’ethnie antandroy (sud), où l’homme prend seul la décision, même pour l’utilisation de l’argent obtenu du travail de la femme, après information de cette dernière.
Il faut cependant noter la précarité de la situation des femmes chefs de ménage, qu’elles soient veuves, célibataires ou séparées de leur mari. Généralement, la femme chef de ménage voit son accès aux ressources se rétrécir après qu’elle soit devenue chef de ménage. Les femmes de la province d’Antsiranana (nord) semblent cependant faire exception, car une importante proportion des femmes chefs de ménage y sont à la tête d’exploitations agricoles d’une certaine envergure.
L’autre volet de l’intégration de la dimension ’genre’ dans les projets de transport rural concerne l’amélioration de la participation des femmes aux chantiers, notamment routiers, à haute intensité de main d’œuvre (HIMO). Il s’agit de concilier diverses contraintes apparemment contradictoires : d’une part les femmes pauvres, et en particulier les femmes chefs de ménage, ont besoin de l’argent en espèces que procure le travail sur les chantiers, mais d’autre part il ne faut pas que le travail se fasse au détriment des responsabilités liées à la reproduction (soins des enfants en bas âge, en particulier).
Dans cette optique, il faudra, pour favoriser la participation des femmes aux chantiers :
(i) Veiller à favoriser la participation des femmes à la prise de décision relative à la priorisation des routes/pistes à réhabiliter,
(ii) porter l’information relative au recrutement de main d’œuvre jusque dans les ménages dont le chef est une femme,
(iii) sensibiliser de façon systématique les responsables locaux et les entreprises sur les avantages du recrutement de main d’œuvre féminine,
(iv) diversifier les postes de travail que peuvent occuper les femmes,
(v) capitaliser et systématiser les modèles de prise en charge communautaire des enfants des travailleuses,
(vi) prévoir la recherche-action devant déboucher sur un partage des tâches entre hommes et femmes, voire une spécialisation qui puisse justifier une juste rémunération du travail fourni par chacun.
La recherche permanente est d’ailleurs l’un des axes essentiels dégagés au cours de l’étude : étant donné la diversité des situations et du partage des tâches selon les régions, il sera indispensable d’affiner en permanence les données disponibles, afin d’améliorer constamment la pertinence et donc l’efficacité des indicateurs proposés, et de ce fait celles des stratégies du projet.
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