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Auteur(s) : Reginald HarveyÉditeur(s) : Le Devoir
Pays d'édition : Canada (Quebec)
Année : 2012
Les gouvernements actuels sèment l’inquiétude chez les dirigeantes des grands mouvements syndicalistes québécois par leurs prises de position qui vont souvent à l’encontre des réalités et des revendications des femmes. Le féminisme est plus que jamais au goût du jour dans les grandes organisations syndicales, voire dans la société.
Militante syndicaliste de longue date et toujours à la barre de la vice-présidence de la CSN, Denise Boucher jette cet éclairage sur la thématique retenue par le Collectif 8 mars à l’occasion de la Journée des femmes, «Le féminisme?… Plus actuel que jamais!»: «À partir de ce thème-là, la Fédération des femmes du Québec a l’intention de poser de grandes questions à différents interlocuteurs, et c’est un mouvement qui s’est déjà mis en marche; il y aura d’importantes consultations régionales à ce sujet et, à titre de centrale syndicale, on est associé à cette démarche.»
Est-il vrai que ce féminisme préoccupe toujours le milieu syndical: «Je dirais oui, mais je parlerais aussi sur le plan social, parce que l’un des volets n’empêche pas l’autre. Quand on voit la montée conservatrice qui se produit actuellement au Canada anglais, avec la vision des choses de Harper, on s’aperçoit à quel point, de façon insidieuse, on cherche constamment à s’attaquer à des dossiers reliés aux femmes: au sujet du registre des armes à feu, il n’y avait pas de quoi célébrer, et je dirais même que c’était choquant pour les femmes et pour les hommes du Québec que de le faire.»
Elle cite d’autres exemples: «Il y a le point qui porte sur le droit à l’avortement; quand un conservateur parle d’analyser le droit du foetus, à mon avis, ce n’est pas tant sur le plan scientifique que sur le volet idéologique. On essaie aussi, ce qui risque de frapper de plein front particulièrement les femmes, de remettre en question le régime de retraite universel canadien quand on n’a aucune raison de le faire; ce sont les femmes qui seront les plus touchées par cette mesure envisagée, parce que ce sont elles qui sont le plus économiquement désavantagées, notamment en raison de l’écart des salaires entre elles et les hommes.»
Déficit zéro, éducation et syndicalisme
Elle cerne d’autres facteurs susceptibles de les pénaliser en cas de révision de cette loi, avant de s’en prendre à un autre projet politique: «C’est inquiétant de constater que le gouvernement fédéral cherche à tout prix à atteindre le déficit zéro, même si les agences de cotation lui ont laissé savoir qu’il n’y avait pas de nécessité d’en arriver là aussi rapidement. Qui va donc payer pour cela? On va amoindrir des mesures sociales et encore une fois ce sont les femmes qui vont écoper davantage, à cause de leur situation de vulnérabilité.»
Elle se tourne vers le Québec et se montre soucieuse du sort réservé aux jeunes filles qui veulent se diriger vers des études universitaires supérieures: «Elles vont se retrouver avec un taux d’endettement très élevé et elles ne voudront pas se diriger vers la maîtrise ou le doctorat.» Elles sont de plus en plus nombreuses à suivre des études universitaires, mais c’est au niveau du premier cycle: «Avec les mesures qui se prennent actuellement, il y a un groupe qui risque d’être plus pénalisé que d’autres et c’est celui des jeunes femmes.»
Il importe, toujours selon la vice-présidente, que le nombre de places en garderie soit augmenté pour faciliter aux femmes l’accès au marché du travail. Sur le plan de la syndicalisation, des obstacles se posent: «On a de la difficulté à syndiquer les groupes de femmes; on leur fait peur, on menace de les congédier, on se montre dur à leur endroit et cette dureté-là n’est pas dans leur nature. Souvent, elles décident de ne pas se syndiquer; et pourtant, même le Conseil du statut de la femme assure que la meilleure façon pour elles d’atteindre un excellent niveau de condition de vie passe par la syndicalisation.»
La FTQ se montre à son tour préoccupée
Vice-présidente à la condition féminine au sein de l’exécutif de la FTQ, Marcelle Perron a milité durant de nombreuses années en faveur de la cause syndicaliste au Saguenay-Lac-Saint-Jean avant d’accéder à ce poste, lors du dernier congrès de la FTQ tenu en novembre 2010. «Le féminisme en milieu syndical, c’est plus vrai que jamais, avec tout ce qui se passe du côté politique», lance-t-elle, à l’évocation de la thématique retenue pour la journée du 8 mars. Elle considère que les femmes accusent actuellement un recul assez important: «Je ne cacherai pas qu’on craint les prochains budgets, que ce soit au provincial ou au fédéral; cela nous inquiète vraiment, car tout ce qui touche à ce qui est susceptible d’améliorer les conditions de vie ou de travail des femmes, cela a également un impact sur toutes les familles et sur la population en général.»
Elle développe sa pensée: «Pensons à l’équité salariale et à la conciliation travail-famille, à l’évolution du travail atypique, au travail de plus en plus précaire des femmes; on doit se tourner aussi vers celles qui travaillent à temps partiel et qui doivent cumuler deux ou trois emplois pour arriver à boucler les fins de mois. Voilà autant de dossiers qui sont en mouvement et sur lesquels on recule plutôt que d’avancer.»
Avortement et violence faite aux femmes dans le cadre de l’abolition du registre des armes à feu font également partie des sujets d’inquiétude: «Et cela, c’est sans compter toute la question de la retraite et des femmes âgées qui sont de plus en plus pauvres parce qu’elles ont occupé des emplois atypiques ou à temps partiel; elles ont moins cotisé au régime public et ce seront elles qui encore une fois seront les plus touchées si on le modifie à la baisse.»
Voilà autant de préoccupations de chaque instant qui interpellent grandement le comité de la condition féminine de la FTQ. Mme Perron s’interroge: «Comment on fait pour essayer d’améliorer leurs rentes de retraite? Comment s’y prendre, de plus, pour les protéger sur le plan de la sécurité et de la violence? Même dans les syndicats à prédominance masculine, les gens s’intéressent à la santé des femmes, parce qu’elles font partie de la vie des gars qui ne sont pas insensibles au sort de leurs collègues.»
Femmes et vie syndicale
À l’heure actuelle, les effectifs de la Fédération sont composés de femmes dans une proportion d’environ 40 %. Occupent-elles pour autant une place significative dans les postes de direction des syndicats? «Il est vrai de constater qu’à l’intérieur de cela elles prennent leurs places, mais il y a encore des endroits où c’est difficile pour elles d’y arriver; c’est la raison pour laquelle des mesures sont prises pour qu’on retrouve des postes qui sont réservés à la condition féminine dans certaines organisations.»
D’un autre côté, celles-ci sont très engagées quand on parle de la conciliation travail-famille, comme le signale Marcelle Perron: «Qu’on le veuille ou non, ce sont souvent elles qui en sont responsables. La Fédération essaie donc de trouver les moyens susceptibles de favoriser l’engagement des femmes pour briser ce plafond de verre-là, qui fait en sorte que, en plus du travail qui est régulier, l’engagement syndical vient encore ajouter à la tâche.»
Une des premières mesures prises par la centrale en faveur de l’engagement accru des femmes dans ce sens-là a été de leur réserver trois postes de vice-présidente à la condition féminine dans l’exécutif du mouvement.
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