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Titre de la source : En Bref. Genre et mouvements sociauxAuteur(s) : BRIDGE
Éditeur(s) : Institute of Development Studies (IDS) (KIT ACTU)
Pays d'édition : Grande-Bretagne
Année : 2013
En Bref. Genre et mouvements sociaux (PDF, 369 Ko, 8 pages)
Produit par BRIDGE, ce document résume les raisons pour lesquelles il est si important que tous les mouvements sociaux progressistes s’engagent à repenser et à transformer les rapports de pouvoir patriarcaux, à la fois dans leurs actions militantes et dans leurs cultures et pratiques internes.
Partout dans le monde s’exprime activement une revendication de masse pour que cesse l’injustice de genre dans tous les domaines de la vie sociale, économique, politique et culturelle.
Les mouvements sociaux – avec à leur tête des militant-e-s en faveur des femmes et/ou de la justice de genre et des mouvements féministes – ont joué un rôle crucial dans la revendication et la mise en place des changements et pour garantir leur durabilité.
Mais, si les droits des femmes sont « au programme » dans de nombreuses sphères, les militants et militantes se heurtent toujours à de fortes résistances au changement dans les idées politiques et les pratiques de ces mouvements et des organisations qui leur sont associées.
Que sont les mouvements sociaux et pourquoi sont-ils importants ?
Les mouvements progressistes en faveur de la justice sociale apparaissent en réaction à des situations d’inégalité, d’oppression ou quand des revendications sociales, politiques, économiques ou culturelles ne sont pas satisfaites. Ils constituent « un ensemble organisé de membres poursuivant un objectif politique commun de changement par l’action collective » (Batliwala 2012: 3).
Ils sont une force importante de remise en cause des inégalités et exclusions existantes dans la société et de proposition de modèles et points de vue nouveaux pour établir des rapports de pouvoir plus égalitaires et plus justes dans les domaines social, économique et politique.
Pourquoi les droits des femmes et la justice de genre sont-ils des sujets importants pour les mouvements sociaux ?
Pour qu’une action ou une intervention relative aux droits, à la démocratie et à l’égalité porte ses fruits, elle doit prendre en compte l’égalité de genre et lui donner toute sa place dans l’analyse et la méthodologie du changement.
À défaut, les interventions ont peu de chances d’atteindre leurs objectifs et de contribuer à une égalité totale et à une transformation sociale plus holistique et plus complète.
Pour intégrer les perspectives de genre, il ne suffit pas d’« inclure » les femmes, ou de « penser aux » hommes et aux minorités de genre. Il s’agit plutôt de prendre en considération les approches alternatives qu’apporte cette perspective de genre en politique et qui constituent des outils de transformation des rapports de pouvoir patriarcaux.
Introduction au KIT ACTU par Jessica Horn (BRIDGE)
Quels sont les différents points de vue des mouvements sur les droits des femmes et la justice de genre ?
Ce sont des femmes, au sein de mouvements pour le changement exclusivement féminins, qui ont mené l’essentiel des combats militants pour la justice de genre.Mais les mouvements d’hommes militant pour l’égalité de genre ont développé de nouvelles approches pour comprendre comment le pouvoir patriarcal affecte les hommes et les garçons et penser des modes plus égalitaires de mise en rapport des hommes et des femmes.
La plupart des mouvements sociaux mixtes du point de vue du genre ne se sont pas engagés d’emblée à prendre en compte les inégalités de genre, même si beaucoup d’entre eux comptent des femmes parmi leurs membres actifs. Pour certains d’entre eux, peu nombreux, la justice de genre est un axe fondateur. Ils sont fondés sur une politique de l’intersectionalité qui confère une place centrale à l’analyse des rapports de pouvoir entre hommes et femmes et à l’action dans ce domaine.
Quels sont les défis que les mouvements sociaux doivent relever pour intégrer les perspectives de genre ?
La résistance à l’intégration des droits des femmes et de la justice de genre dans les objectifs clefs des mouvements peut se traduire par un déni de l’importance de l’égalité de genre – sous le prétexte que les femmes sont déjà des membres actifs ou que le mouvement défend déjà la démocratie ou l’inclusion.
Les idées et les comportements genrés qui prévalent dans les « structures profondes »2 des mouvements posent aussi problème. Des idées profondément enracinées sur les rôles de genre peuvent mener à des comportements sexistes, discriminatoires, voire violents à l’égard des femmes et des groupes minoritaires.
Les idées liées à la tradition, à la culture, à la religion et à la sphère privée créent des barrières et peuvent être utilisées pour marginaliser et réduire au silence ceux et celles qui s’élèvent contre les rapports de pouvoirs entre hommes et femmes dans des domaines comme la famille ou qui défendent l’avortement.
Les militant-e-s se voient souvent répondre que les questions de genre seront traitées « après la révolution » et des compromis redistribuent le classement des priorités.
Les questions d’égalité de genre sont abandonnées si elles compromettent les chances qu’auraient d’autres revendications d’être entendues.
Enfin, même lorsque les mouvements parviennent à attirer des femmes en leur sein et à leur permettre d’occuper des positions dirigeantes, il est souvent difficile d’assurer la pérennité du progrès et de faire en sorte que les droits des femmes et la justice de genre gardent une place importante.
À quoi ressemble un mouvement juste dans une perspective de genre ?
Un mouvement juste dans une perspective de genre :
• Revendique l’importance de la lutte contre les inégalités de genre comme élément à part entière de la justice pour tous et l’identifie explicitement comme un domaine d’action prioritaire.
• Crée un environnement favorable à une réflexion interne et à l’action en faveur des droits des femmes et de la justice de genre.
• Met en place activement et formellement un soutien à la participation des femmes et à l’exercice des fonctions dirigeantes par les femmes, et ce dans tous les domaines d’activité du mouvement.
• Lutte sans répit contre les violences à l’égard des femmes et décrète la tolérance zéro à l’égard du harcèlement sexuel dans tous les espaces du mouvement.
• Évalue le biais de genre dans l’attribution des rôles au sein du mouvement et redistribue les tâches selon des principes justes du point de vue du genre.
• Permet la pleine participation des femmes comme des hommes, en prenant en considération le travail de care et les rôles reproductifs.
• Prend la mesure des dimensions de genre des retours en arrière et de l’opposition externe auxquels sont confrontés les militants et militantes.
• Prend en compte les identités de genre dans leur contexte, les identités trans et intersexuées ainsi que les évolutions des perceptions du genre dans la vie sociale et dans le militantisme.
Comment construire des mouvements justes dans une perspective de genre ?
• Identifier et transformer la culture, les dynamiques de pouvoir et les hiérarchies au sein des mouvements. En rendant visible le fonctionnement du pouvoir de genre dans « la structure profonde » des mouvements, il est possible de remettre en cause les dynamiques de pouvoir cachées qui rendent inconfortable ou insupportable la participation des femmes et des groupes minoritaires.
• Soutenir le militantisme interne pour le changement
Il peut être nécessaire de soutenir à la fois le pouvoir collectif des femmes et les artisanes individuelles du changement, de construire un leadership féministe ou de développer des plateformes ou des comités consacrés à l’égalité.
• Mettre un coup d’arrêt à l’impunité accordée à la violence basée sur le genre
Pour que les membres du mouvement soient tenus de répondre de leurs manquements à l’éthique dans les rapports de genre, il est nécessaire d’aborder des sujets tels que la violence domestique ou le harcèlement sexuel, et d’inciter les instances dirigeantes à prendre position contre la discrimination ou la violence au sein de leurs mouvements.
• Développer les idées politiques et les arguments
Il s’agit notamment de rendre clairement visible la placedes droits des femmes et de la justice de genre dans les priorités du mouvement et de créer des espaces de débat sur ce qu’implique la priorité donnée au genre dans différents contextes propres au mouvement.
• Construire des alliances larges et une cause commune
Pour que se dessine une cause commune, il convient que chacun soit ouvert à la critique et animé par le désir d’écouter et de changer. L’analyse intersectionnelle est un outil utile pour permettre aux mouvements d’identifier les points d’intersection des différents axes de pouvoir.
• Développer l’inclusion au sein des mouvements de femmes et des mouvements féministes
La remise en cause des inégalités et de l’exercice d’un pouvoir discriminant au sein des mouvements de femmes doit être constante et renforcera les solidarités avec les autres mouvements.
• Mettre en pratique la justice de genre dans les mouvements et dans les organisations qui leur sont associées
L’organe central d’un mouvement peut jouer un rôle déterminant pour garantir des progrès en matière de justice de genre. Les stratégies de changement organisationnel et les méthodes d’audit et d’évaluation sont des outils utiles s’ils sont adaptés et développés en fonction des contextes spécifiques au mouvement.
• Rester attentifs aux rapports de pouvoir entre organisation et mouvement
Les organisations qui se consacrent au développement des mouvements peuvent encourager et aider ces derniers à être inclusifs, à lutter contre de nouvelles formes d’oppression et à identifier des formes émergentes de représentativité.
• Garder le cap et accompagner le changement dans la durée
Pour les mouvements, la vraie difficulté consiste à assurer la continuité des progrès et à travailler à une intégration complète des droits des femmes et de la justice de genre dans la durée, en anticipant les retours en arrière et en y réagissant par des mesures adaptées.
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