Ressource
Titre de la source : Genre et changement culturelAuteur(s) : Susie Jolly
Éditeur(s) : Institute of development studies (IDS) (Kit Atu Genre et changement culturel)
Pays d'édition : Royaune-Uni
Année : 2002
Genre et changement culturel (PDF, 42 pages, 304 Ko)
Peut-on considérer l’approche « Genre et développement » (GED) comme l’imposition de conceptions occidentales sur d’autres cultures ? Ce type d’accusations a souvent été formulé dans le but d’entraver les efforts en faveur de l’égalité des sexes. Cependant, le Nord domine bel et bien dans le domaine du développement et l’approche GED ne fait pas exception. Comment répondre à ce paradoxe ?
Qu’est-ce que la culture ?
Il s’agit dans un premier temps d’examiner de près ce que nous entendons par culture et quelle est son origine. Dans ce rapport, la culture est envisagée comme :
– variée et dynamique
– formée par des influences internes et externes
– structurée par les représentations et le pouvoir
Selon cette interprétation, les cultures sont les produits de l’histoire, du lieu, de la politique et des peuples et évoluent avec le temps. Des personnes différentes n’ont pas forcément la même perception des cultures qui les environnent et dans chaque pays ou communauté, les cultures sont multiples. Il n’y a pas de culture du Nord fixe et homogène susceptible de s’imposer sur une culture du Sud également fixe et homogène. Qui plus est, le Nord et le Sud interagissent et s’influencent déjà, indépendamment de l’œuvre du développement. Néanmoins, ces interactions et influences sont structurées par les déséquilibres Nord-Sud.
Comment la culture se forme-t-elle sur le plan individuel ?
Les dynamiques internationales entrent en interaction avec la famille, la communauté et la nation pour fournir le contexte où vivent les individus. Ces multiples influences façonnent les identités des individus, comme celles décrites en section 3 : des bébés filles que l’on décourage de ramper aussi loin que les garçons en Grande-Bretagne ; une fillette chinoise sous le contrôle étroit de sa grand-mère ; une organisatrice nicaraguayenne souffrant de handicaps ; une femme américaine anorexique ; un garçon blanc raciste du Zimbabwe ; une femme indienne amoureuse d’une autre femme ; et un homme politique indien intersexe, converti à l’islam. À leur tour, ceux-ci et d’autres individus forment et transforment leurs environnements culturels, en acceptant ou résistant aux normes qui les environnent.
Le développement transforme les cultures
Comme l’action individuelle, les interventions en développement forment et modifient nécessairement les cultures. La section 4 examine diverses tentatives de remettre en cause les cultures de genre dans le domaine du développement. Redd Barna en Ouganda cherche à créer un espace où les jeunes femmes puissent se faire entendre et avancer leurs propositions propres. PATH et MYWO au Kenya remplacent la tradition de l’excision par un nouveau rituel parlé. Au Brésil, PROMUNDO mobilise les jeunes hommes opposés à la violence sexospécifique. Des organisations gays et lesbiennes du Zimbabwe et d’Afrique du Sud combattent l’homophobie et le racisme. Dans le projet Musasa au Zimbabwe, une femme blanche a recherché comment elle pouvait, par un rôle adapté, combattre de l’extérieur la violence conjugale au sein d’une communauté. Ces initiatives s’organisent aux niveaux local et national pour transformer les cultures relatives au genre. En même temps que ces expériences se diffusent et enseignent, elles influencent aussi la réflexion et la pratique en développement dans le monde entier.
Les cultures de l’approche « Genre et développement »
Un travail en direction des normes du « Genre et développement » (GED) est également nécessaire depuis une position internationale. La pensée et les pratiques du développement, GED compris, sont également chargées de valeurs culturelles. Les cultures du colonialisme continuent d’influencer le développement. Dans la recherche, l’idéologie et les pratiques du développement, le monde est divisé entre « Sud » et « Nord » et le premier est censé apprendre du second et l’imiter. Les femmes du Nord, par exemple, sont ainsi présentées comme des modèles de libération auxquels les femmes du Sud devraient aspirer.
Cependant, de nombreux individus et organisations questionnent ces représentations et forgent de nouvelles cultures au sein du « Genre et Développement » : c’est le cas d’ACORD, qui a transféré ses activités en Afrique et modifié sa mission ; d’Oxfam Grande-Bretagne avec un projet d’apprentissage où le Nord apprend du Sud, et des représentations de femmes du Nord où celles-ci n’apparaissent pas beaucoup plus libérées que les femmes du Sud ; de Christian Aid International qui projette de nouvelles représentations de la relation « donneur du Nord-receveur du Sud » dans ses campagnes de financement ; et de forums internationaux reconnaissant la pertinence de la sexualité dans le domaine du développement.
Les recommandations suivantes s’appuient sur les expériences décrites dans ce rapport :
– On reproche souvent aux interventions en faveur de l’égalité des sexes de vouloir imposer des conceptions occidentales. Ces accusations peuvent être fondées ou servir des buts politiques, visant à faire obstacle à la transformation des relations entre les sexes… ou les deux, et il convient de ne pas rejeter par avance cette dernière possibilité.
– Le développement exercera toujours une influence sur les cultures et sur le genre, qu’il transforme les choses (pour le meilleur ou pour le pire) ou sanctionne et renforce le status quo. Négliger la dimension du genre en développement n’est pas moins un parti pris culturel que de l’inscrire au rang des priorités publiques. L’impact culturel doit être conscient et réfléchi, et viser à remettre en cause les normes oppressives dans les domaines du genre, du sexe (voir page 13), de la sexualité et des dynamiques Nord-Sud.
– Selon les individus et les époques, la culture et la tradition peuvent être un frein ou un moteur, un facteur d’oppression ou de libération. Il n’y a rien de sacré dans la culture et il convient de juger sans ambiguïté quels aspects de la culture doivent être retenus et quels autre rejetés.
– Cependant, la question de savoir qui formule ces jugements de valeur est primordiale. Les éléments « extérieurs » doivent être prudents quant aux jugements qu’ils portent sur les cultures d’autres personnes. Il ne s’agit pas, pour autant, de s’effacer par « respect » de la « culture locale ». Au contraire, les concepteurs doivent créer un espace permettant aux « membres » de discuter des cultures et d’identifier et d’agir contre les pratiques qu’ils trouvent oppressives.
– La pensée et les pratiques du développement, GED compris, sont elles-mêmes chargées de parti pris culturels. Les organisations comme les individus doivent questionner leurs propres conceptions et dynamiques de pouvoir sur, notamment, le Nord et le Sud, l’appartenance ethnique, les problèmes de l’identité sexuelle, de la sexualité et du genre.
– Permettre la participation et le leadership de groupes auparavant exclus (exemple : les femmes, les noirs ou les habitants du Sud) peut contribuer à faire évoluer la culture des organisations du développement et réorienter leurs priorités.
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