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Titre de la source : Reconstructions identitaires et résistancesAuteur(s) : Marc Bernardot (dir.)
Éditeur(s) : Asylon(s) (n° 9, Reconstructions identitaires et résistances)
Année : 2012
Reconstructions identitaires et résistances (html, Sommaire du numéro)
Comment se construisent et se recomposent les positions de genre dans l’espace très particulier des camps de réfugiés installés de longue date ? La revue Asylon(s) n° 9 dirigée par Marc Bernardot réunit des contributions qui interrogent des processus de construction/déconstruction des identifications collectives et individuelles. A partir de focales différentes et originales, nations sans État, collectivités migrantes, camps de réfugiés, les auteurs testent plusieurs hypothèses concernant les capacités des politiques identitaires et des groupes marginalisés ou ethnicisés à innover et réinventer des cadres de citoyenneté et de résistance. Deux articles adoptent une perspective « genre », à travers les cas des réfugiées sahraouies et des camps palestiniens.
« Marie Kortam étudie les transformations identitaires des femmes palestiniennes dans les camps au Liban. Elle étudie le processus qui, depuis la Nakba, a progressivement modifié la « contre-socialisation » des femmes comme actrices légitimes de la lutte nationale en resocialisation vers la sphère domestique et familiale. Cette mutation liée à la fin de la lutte politique s’accompagne d’une différenciation accrue entre les « femmes du camp » et celles de « l’extérieur » notamment en ce qui concerne la vision masculine de la féminité. Cette situation est exacerbée par la marginalisation des hommes des camps qui vivent l’accès des femmes au travail comme une offense tout en étant devenue une nécessité économique. Par ailleurs ce processus de rigidification des interdits témoigne d’une confusion accrue entre interdits sociaux et religieux. Dans ces conditions le travail rémunérateur des femmes, qui s’ajoute aux taches domestiques, ne parvient pas être source de droits et d’émancipation.
Alice Corbet fait de même dans un cadre très comparable. Elle interroge l’évolution des positions de genres dans les camps sahraouis. A l’inverse du cas palestinien, les femmes ont profité de la sédentarisation et de la mise à distance des hommes dans des tâches de contrôle de la frontière pour accroître leur capacité de contrôle domestique et matériel. Elles ont pris le contrôle de l’espace-temps des camps qu’elles ont globalement organisé depuis leur mise en place il y a plus de trente ans. Et l’émancipation féminine, qui est devenue la vitrine de la bonne volonté du Front Polisario vis-à-vis de la communauté et des ONG internationales, s’accompagne de la généralisation d’une matrifocalité. Cependant cette double sollicitude repose pour le premier sur l’idée que les femmes sont garantes de la continuité biologique des Sahraouis, et pour les secondes sur celle qu’elles sont forcément des victimes tout en faisant des relais. L’émancipation reste cette fois conditionnée à l’espace des camps et se voit limitée dans les situations de migrations notamment où les hommes récupèrent leurs positions traditionnelles. » (M. Bernardot, introduction)
– Alice Corbet : Femmes réfugiées, un enjeu des camps : L’exemple sahraoui
Extrait :
« Lorsqu’en 1976 les réfugiés sahraouis sont arrivés sur l’aride Hamada de Tindouf, plateau désertique situé au sud-ouest de l’Algérie, les hommes participaient activement à « l’effort de guerre ». Sous la bannière du Front Polisario, ils combattaient les Forces armées royales marocaines (FAR) qui, suite à la Marche Verte organisée par le roi Hassan II en novembre 1975, occupaient le Sahara Occidental. Les combats violents provoquèrent la fuite de groupes de civils qui traversèrent la frontière pour trouver refuge en Algérie, dans ce qui ne devait être qu’une installation temporaire de tentes.
Trente-trois ans après leur fondation, les camps sont toujours là. Et, passé le temps de l’urgence, alors que le conflit s’est enlisé, les tentes ont progressivement disparu au profit des bâtiments en dur, des panneaux électriques alimentent des réfrigérateurs et des télévisions, les voitures fourmillent en soulevant des vagues de poussière, et hommes et femmes cherchent un nouvel équilibre social.
Comment y a-t-il eu rééquilibrage des rôles sexués à travers les camps ? Quelle a été l’attitude des divers acteurs (organisations humanitaires, politiques…) envers les femmes ? Quelle est la place des femmes sahraouies aujourd’hui, quelles évolutions sont en cours ? »
– Marie Kortam : Genre, politique et sacré dans les camps de réfugiés palestiniens
Résumé :
« L’explication biologique de la division sexuelle du travail et des caractéristiques de genre a été contestée, notamment par les penseurs et les groupes féministes pour lesquels les caractères et les rôles féminins seraient appris plutôt qu’innés. L’assimilation de ce qu’est une femme et de ce qu’elle doit faire s’accomplit par le processus de socialisation.
Je m’interroge dans cet article sur les particularités de la socialisation dans les camps de réfugiés de jeune, à partir d’une enquête de terrain effectuée en 2008-2009 dans le camp de Baddawi. Il s’agissait de mener et d’analyser des entretiens avec dix-huit femmes et vingt-deux hommes au camp de Baddawi, âgés entre vingt et trente ans de profils socio-professionnels variés (cf. annexe). La méthode de recherche retenue est qualitative, autour de la notion de « violence », en incitant des « jeunes » à parler de leurs expériences avec les violences.
Nous allons voir que dans les camps des réfugiés palestiniens au Liban, la division traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes est de plus en plus nette, entraînant une sclérose, voire une régression de la condition féminine. (…) »
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