Photo: Parvati, leader du Panchayat de la forêt locale dans le district de Nainital (Georgina
Aboud)
À Bheerapani, un village reculé du district de Nainital dans l’Himalaya central, le Centre de sensibilisation communautaire (Community Awareness Centre – CAC) fait la promotion de moyens de subsistance durables sur le plan de l’environnement au travers de processus, tels que la protection forestière et l’agriculture biologique. Sa démarche participative engage la population locale à élaborer des solutions efficaces aux impacts du changement climatique, ancrées localement. Dans le cadre de ces processus, le CAC encourage la discussion sur les inégalités de genre et développe l’autonomisation des femmes en les sensibilisant sur leurs droits aux ressources et aux systèmes de connaissance. Cette petite ONG, gérée par quatre personnes seulement et dotée d’un maigre budget, a facilité des transformations phénoménales sur fond de changement climatique en Inde. Elle a motivé des femmes à devenir des leaders locales sur des problématiques liées au climat et des militantes pour une agriculture biologique durable. L’ONG a également contribué à modifier les perceptions des rôles assignés de genre.
Les femmes ouvrent la voie de la protection forestière
La menace qui pèse sur les forêts de la région, qui constituent une source majeure de moyens de subsistance – notamment pour les femmes – et de revenus pour les villageois, se fait de plus en plus forte. Il y a environ dix ans, des programmes gouvernementaux ont poussé les villageois à passer de cultures traditionnelles résistantes à des cultures de rente non traditionnelles, qui étaient moins résistantes et fournissaient moins de fourrage pour l’alimentation de leurs animaux. En conséquence, les villageois ont commencé à se tourner vers les forêts pour alimenter leurs animaux ainsi que pour le bois de combustion, participant ainsi à la déforestation, avec ce que cela implique en termes de changement climatique.
Des exercices participatifs menés par le CAC ont aidé des femmes autochtones à se rendre compte que la protection de la forêt pour promouvoir l’atténuation du changement climatique et la pérennité de l’environnement relevait de la responsabilité de toute la population locale. Elles ont également réalisé la faiblesse du pouvoir décisionnel dont elles disposaient dans les affaires publiques et ont commencé à remettre en question cette inégalité. Cette prise de conscience a changé la vie de Parvati Nyal, agricultrice et femme au foyer approchant la soixantaine. Grâce à sa participation aux ateliers organisés par le CAC sur le leadership, le plaidoyer, l’autonomisation, le développement durable et la sécurité alimentaire, Parvati a acquis la confiance en soi nécessaire pour briguer – et gagner – la direction du Panchayat (un comité forestier officiel) de la forêt locale, devenant ainsi la première femme à la tête de cet organisme.
Si les femmes disposent du droit légal de participer au Panchayat local, leur rôle est jusqu’à ce jour resté limité et symbolique. Parvati a joué un rôle-clé dans le changement de cet état des choses en encourageant les femmes à participer activement au comité, à demander des comptes aux dirigeants des Panchayats forestiers quant à leurs actions et à exiger la transparence financière. Elle a introduit des règles et règlements, ce qui inclut des amendes en cas de coupure de branches, même petites, des arbres de la forêt.
Parvati explique : « J’ai apporté un sens aux responsabilités dont ne disposaient pas les hommes qui géraient la forêt auparavant… Ma mission d’encadrement ne consiste pas seulement à faire appliquer les règles, mais à changer, au travers de l’éducation et de la compréhension, la perception que les gens ont de la forêt, pour qu’ils la considèrent comme une ressource importante ».
Les femmes ouvrent la voie de l’agriculture biologique L’irrégularité croissante des configurations des pluies a coïncidé avec la promotion plus soutenue des cultures de rente, qui reposent sur les fertilisants et pesticides et nécessitent plus d’eau. Aussi, le CAC a lancé une ferme expérimentale afin d’étudier les avantages de l’agriculture biologique en tant qu’alternative à ces cultures non traditionnelles et à ces techniques agricoles à forte densité en ressources naturelles. Cette ferme a démontré que les produits des cultures traditionnelles avaient non seulement meilleur goût, mais des valeurs plus nutritives et moins périssables. De plus, ils pouvaient faire l’objet d’une agriculture biologique et étaient plus résistants aux conditions météorologiques imprévisibles.
Désormais, les cultures traditionnelles fournissent les aliments et le fourrage pour le bétail que les femmes devraient sinon aller chercher dans la forêt, ce qui occuperait une partie de leur temps.
Changer les comportements
L’ingéniosité du CAC se mesure, entre autres, à l’ouverture d’un espace où les femmes et les hommes peuvent remettre en cause leurs idées sur leurs rôles féminins et masculins, sur leurs responsabilités et droits, lors d’ateliers, rencontres et programmes d’autonomisation. Non seulement les femmes ont gagné en autonomie au foyer et au niveau du comité de sorte qu’elles peuvent prendre la parole et être entendues, mais les attitudes des hommes vis-à-vis des femmes ont également fondamentalement changé. Un agriculteur a déclaré qu’avant de travailler avec le CAC, il n’aurait pas considéré normal pour une femme de posséder des terres, mais désormais, il dit : « Lorsqu’une femme a le contrôle sur ou possède la terre, elle n’en fait jamais mauvais usage. Au contraire, elle l’utilise pour améliorer les conditions de la famille ». Dans certains autres cas, les maris des femmes ont commencé à se charger des corvées ménagères pour que leurs épouses aient le temps d’assister aux réunions.
Leçons retenues
Le succès du CAC est en partie dû à ses efforts visant à créer une réelle participation et appropriation par les villageois avec lesquels il travaille et à s’assurer que les femmes jouent un rôle-clé dans la prise de décision. Cette expérience montre que dans des contextes locaux les communautés sont généralement les mieux placées pour identifier les problèmes et trouver des solutions et que les savoirs des femmes occupent une place extrêmement importante dans ce processus.
L’exemple du CAC montre comment des organisations peuvent à la fois encourager la discussion sur les questions de genre en relation avec le changement climatique et les moyens de subsistance et permettre une véritable transformation en changeant les attentes sociales au sujet des rôles et aptitudes de genre en prenant des mesures drastiques d’autonomisation des femmes.
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