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Titre de la source : L’empire du genre. L’histoire politique ambiguë d’un outil conceptuelAuteur(s) : Eric Fassin
Éditeur(s) : Editions de l'EHESS (Revue L'Homme)
Pays d'édition : France
Année : 2008
L’empire du genre. L’histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel (PDF, 244 Ko)
D’où vient le concept de genre, qui cristallise tant de tensions à l’heure actuelle ? A quoi sert-il, et comment son usage a-t-il évolué ? Cet article publié dans la revue « l’Homme », affiliée aux éditions de l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) de Paris (France) apporte un éclairage sur ces questions. Eric Fassin y livre son étude intitulée « L’empire du genre. L’histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel », dans laquelle il aborde une critique du concept du genre selon une approche historiographique, politique et sociale…
Résumé :
Le « genre » fut créé dans les années 1950 et 1960 par des psychologues américains afin de médicaliser l’intersexualité et la transsexualité. Dans les années 1970, les féministes se sont approprié le terme pour dénaturaliser la féminité, transformant cette catégorie normative en outil critique. Dans les années 1980, tandis que les études féministes jouissent aux États-Unis d’une reconnaissance institutionnelle, les féministes ne sont pas acceptées dans le champ universitaire en France.
Lorsque les questions féministes redeviennent d’actualité à partir de 1989, cette politisation est rejetée au nom de la République : le concept de « genre » devient un enjeu national. À la fin des années 1990, les débats publics reprennent sur les questions sexuelles, et après le 11 septembre, la légitimité nouvelle du genre est prise dans un impérialisme nouveau de la démocratie sexuelle. La nature ambiguë du genre, à la fois normatif et critique, est aujourd’hui une tension qui définit les études féministes.
Début de l’article :
« Ce n’est pas au féminisme qu’on doit l’invention du concept de « genre ». Dès 1955, inaugurant plusieurs décennies de travaux à l’Université Johns Hopkins, John Money reformule les approches héritées de l’anthropologue Margaret Mead sur la socialisation des garçons et des filles : pour sa part, plutôt que de sex roles, le psychologue médical parle de gender roles. Il s’intéresse en effet à ce qu’on appelle alors d’ordinaire l’hermaphroditisme, et qu’on qualifie davantage aujourd’hui d’intersexualité (Money & Ehrhardt 1972). La notion de genre, lorsque l’anatomie est ambiguë à la naissance, vise à déjouer l’évidence naturelle du sexe : loin que les rôles viennent ici confirmer les assignations biologiques, le genre per- met de nommer l’écart entre les deux. Sans doute la chirurgie la plus précoce lui apparaît-elle nécessaire, pour trancher toute incertitude ; mais c’est seulement, dans une logique behavioriste, en vue de faciliter l’apprentissage du rôle sexuel. Pour John Money, qui participe d’une vision progressiste de la science constituée après la Seconde Guerre mondiale en réaction contre les dérives du biologisme, c’est bien l’éducation qui fait l’homme, ou la femme (Fausto-Sterling 2000 : chap. III ; Redick 2004).
Le psychiatre et psychanalyste Robert Stoller poursuit cette logique à l’Université de Californie à Los Angeles en s’attachant plus particulièrement à la transsexualité – soit la « condition », dans le lexique pathologisant du « transsexualisme », des personnes qui ne s’identifient pas à leur sexe de naissance. »
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