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Titre de la source : Féminisme islamique : qu’est-ce à dire ?Auteur(s) : Margot Badran
Éditeur(s) : Al-Ahram Weekly
Pays d'édition : Egypte
Année : 2002
Féminisme islamique : qu’est-ce à dire ? (html)
Qu’est-ce à proprement parler que le « féminisme islamique » ? Quelle différence peut-on faire entre ce dernier et un féminisme laïque influencé par la culture musulmane ? Pour l’auteure, Margot Badran, chercheuse de l’université de Georgetown, le féminisme islamique est dans l’ensemble plus radical que les féminismes laïques musulman.
NDLT : L’auteure utilise l’adjectf « musulman » (Muslim) au sens culturel, et l’adjectif « islamique » (Islamic) au sens plus strictement religieux.
Début de l’article :
Qu’y a-t-il dans un mot ? Qu’y a-t-il derrière un mot ? Qu’est-ce que le féminisme islamique ? Permettez-moi d’en proposer une définition succincte : c’est un discours et une pratique féministes qui s’articulent à l’intérieur d’un paradigme islamique. Le féminisme islamique, qui tire sa compréhension et son autorité du Coran, recherche les droits et la justice pour les femmes, et pour les hommes, dans la totalité de leur existence. Vigoureusement contesté par les uns, il est soutenu avec ferveur par d’autres. Beaucoup d’incompréhension, de représentations erronées et sottises circulent autour du féminisme islamique. Ce nouveau féminisme a fait émerger simultanément des espoirs et des craintes. Voyons qui a produit ce féminisme islamique, où, pourquoi et à quelle fin.
Féminisme. Cela a été expliqué avec raison, les mots et les concepts ont une histoire, comme d’ailleurs les pratiques qui s’y réfèrent et s’y rattachent. Le terme de féminisme a été inventé en France dans les années 1880 par Hubertine Auclert, qui l’a introduit dans son journal La Citoyenne pour critiquer la prédominance (et la domination) masculine, et pour réclamer les droits et l’émancipation promis par la Révolution française. Historienne des féminismes, Karen Offen a montré que de multiples significations et définitions ont été données à ce terme depuis sa première apparition.
Des usages variés en ont été faits et il a inspiré de nombreux mouvements.
Le mot a fait son apparition en anglais durant la première décennie du XXe siècle, d’abord en Grande-Bretagne, puis aux Etats-Unis dans les années 1910. Au début des années 1920, il était en usage en Egypte où il circulait en français et en arabe sous la forme nisa’iyya. Le terme trouve certes son origine en Occident, spécialement en France, mais cela ne rend pas le féminisme occidental pour autant. Le féminisme américain n’est pas français (comme le proclament bruyamment et les Américains et les Français). Le féminisme égyptien n’est pas français, ni occidental. Il est égyptien, ses fondateurs en attestent et l’histoire est claire sur ce point.
C’est dans des situations géographiques particulières que sont produits les féminismes et c’est dans les termes locaux qu’ils s’énoncent. L’histoire des femmes, champ de recherche qui s’est constitué dans les années 1960 et qui a pris de l’ampleur dans les années 1970 et 1980, montre qu’une pléthore de féminismes est apparues sur divers points du globe. Publié en 1986, l’ouvrage fondateur de l’universitaire sri-lankaise Kumari Jayawardena, Feminisms and Nationalism in the Third World [Féminisme et nationalisme dans le Tiers-Monde], décrit les mouvements féministes qui ont émergé dans divers pays d’Asie et du Moyen-Orient. Ces féminismes étaient intégrés dans les luttes de libération nationale et dans les mouvements religieux réformistes, y compris islamiques. L’Egypte, on le sait, a été un pays précurseur dans la production d’une pensée féministe et dans l’organisation collective du militantisme féministe.
Malgré l’abondante littérature qui circule sur ce thème, dans diverses langues et aux quatre coins de la planète, l’idée selon laquelle le féminisme serait occidental continue pourtant d’être propagée par ceux qui manquent de repères historiques et peut-être aussi par ceux qui utilisent à dessein cette idée dans une optique de délégitimation. La façon essentialiste, monolithique et statique dont certains parlent de « féminisme occidental » témoigne d’une perception occidentaliste et porte un projet politique visant à s’approprier le « cadre » féministe. Le féminisme, au contraire, est une plante qui ne pousse que dans son propre sol (ce qui ne veut pas dire que les idées et les mouvements féministes soient hermétiquement fermés). Lire la suite sur le site Islam & Laïcité
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