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Titre de la source : De la genèse à l'institutionnalisation du genreAuteur(s) : Joelle Palmieri
Éditeur(s) : LAM
Pays d'édition : France
Année : 2014
DicoLAM - Genre
Le genre est une notion polysémique, polémique, aux usages multiples. Joelle Palmieri, chercheuse et militante française de Genre en Action, propose ici dans l’entrée « Genre » du DicoLAM (Laboratoire Les Afriques dans le Monde, Université de Bordeaux), une analyse critique de la notion de genre. A partir de l’analyse de la trajectoire de la notion, des questionnements théoriques et politiques surgissent : l’institutionnalisation du genre, comme l’étatisation du féminisme, est un processus problématique qui ébranle, finalement, la portée même de la notion de genre.
Voici un extrait du texte de Joelle Palmieri :
« Le genre gêne. Il a mauvais genre. Il peut paraître grossier. Source de danger pour les génitures. Réduit à des accès génésiques. À des questions génétiques. Question de génération ? Non. D’ignorance. Un peu. D’aveuglement. Certainement. De réaction. Pour sûr. Le genre représente pourtant une grille d’analyse des relations sociales, en Afrique et ailleurs, inventée par l’anthropologue britannique Ann Oakley en 1972. Cette grille permet de bien distinguer une définition du « sexe » qui renvoie à l’aspect anatomique, physiologique, biologique, physique – ce qui appartient à l’ordre naturel, au corps donné – et une définition du sexe dit social, le corps produit. Le genre renvoie alors explicitement à la déconstruction d’un système d’exploitation entre deux catégories humaines, les hommes – qui exploitent – et les femmes – qui sont exploitées. Ce système reflète la division sexuelle du travail et plus généralement entre les sphères privée et publique, division produite par le système patriarcal, tel que défini par la sociologue française Andrée Michel (Michel 1980) : le patriarcat est un système qui utilise – ouvertement ou de façon plus subtile – tous les mécanismes institutionnels et idéologiques à sa portée (le droit, la politique, l’économie, la morale, la science, la médecine, la mode, la culture, l’éducation, les médias, etc.) afin de reproduire les rapports de domination entre les hommes et les femmes, de même que le capitalisme les utilise pour se perpétuer.
Par exemple, en Afrique, selon Catherine Coquery-Vidrovitch, depuis les indépendances, les lois, les discours politiques, l’activité des partis sont majoritairement restés entre les mains d’hommes (Coquery-Vidrovitch 1997), ce qui permet de qualifier le lieu et l’épistème de ces discours et activités comme situés dans le domaine masculin. Dans les États de la postcolonie, l’action politique demeure un privilège réservé aux hommes, sans pour autant que cela soit effectif. Ce privilège est néanmoins ambigu d’autant que le contexte de mondialisation réclame chaque jour davantage de compétitivité, de flexibilité, d’exemplarité. Les États entretiennent des pressions politiques, économiques et idéologiques internationales, entre eux, entre eux et les organisations internationales, entre eux et les organismes privés. En particulier, le contexte de crise et de dégradation économique a une influence directe sur la création d’organisations dites féminines par les partis au pouvoir (ibid.). Ils entendent ainsi montrer leur bonne volonté mais aussi tentent de réguler les impacts de ces pressions au niveau local, par organisations de femmes interposées.
Aussi, afin d’agir sur le politique, les femmes, quelles que soient leur « race » ou leur classe, doivent se créer des espaces spécifiques, toujours en marge de l’officiel, c’est-à-dire des partis, mais le plus souvent en soutien du pouvoir. Les sujets de discrimination aussi variés que l’accès à la terre, au crédit, aux soins ou aux technologies, l’accès aux places de prise de décision politique, le droit à la contraception, à l’avortement, l’autorité parentale conjointe, la scolarisation des filles, la polygamie, les violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, les impacts de genre de la pandémie du sida et l’augmentation des écarts de richesse liés à la libéralisation des échanges économiques, sont discutés et élaborés au sein des organisations de femmes et non des partis politiques, même progressistes (Sow 2007). » Lire la suite
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