Ressource
Titre de la source : Clarification des concepts pour une approche féministe de l’émancipationAuteur(s) : Denise Comanne
Éditeur(s) : CADTM
Pays d'édition : France
Année : 2010
Clarification des concepts pour une approche féministe de l’émancipation (PDF, 44 Ko)
Denise Comanne (1949-2010), féministe engagée, révolutionnaire, co-fondatrice du CADTM, a mis la dernière main à ce texte le 27 mai 2010, soit la veille de son décès. Pour une approche féministe de l’émancipation, elle y clarifie les concepts de patriarcat, de matriarcat, la matrilinéarité, le sexe, le féminisme, le masculinisme, le sexisme, la division sexuelle du travail, le genre en l’analysant et étudiant les dérives de cette notion.
Début de l’article :
Le patriarcat
Au départ, le mot signifie l’autorité du père. Ce n’est qu’avec la vague féministe des années 1970 qu’il prend son sens actuel : une relation de pouvoir entre les sexes où les hommes dominent les femmes. Cette relation a une histoire.
A l’époque préhistorique, domine une économie de subsistance (chasse – cueillette). Il n’y a pas d’accumulation de « biens », mais une recherche constante des ressources, des moyens de subsistance. Le « travail » de chacun et de chacune est nécessaire pour assurer la survie de la tribu. Personne ne peut s’approprier les ressources sous peine de mettre en péril cette survie. Il y a donc égalité sociale.
Les premières sociétés agricoles voient l’organisation coopérative du travail. On y trouve toujours l’égalité sociale et la propriété collective des ressources et moyens de production. Les terres sont des propriétés collectives exploitées en commun. Il existe dans ces sociétés, une certaine division du travail entre les hommes et les femmes (les femmes ont des tâches spécifiques – travail dans les champs, poterie, tissage) mais cette division sexuelle des tâches ne correspond pas à une oppression des femmes ni à une exclusion de la sphère publique.
Dans les sociétés antiques, avec l’accumulation des ressources, le développement des forces productives et des outils, un surproduit social apparaît. Celui-ci entraîne la formation de classes sociales, certains s’appropriant le surproduit et voulant l’accroître. Pour les femmes, la situation change radicalement : la notion d’héritage apparaît et la transmission d’une propriété se fait par les hommes, d’où l’importance d’une descendance mâle dont il faut pouvoir « s’assurer ». La femme devient alors une propriété parce qu’elle est une génitrice avant tout. Le mariage devient source de propriété, de richesse. Par exemple, la dot qui, dans les sociétés matrilinéaires, consistait en un cadeau, devient du bétail, une terre.
Beaucoup plus tard, une autre transformation importante se répercute sur la condition des femmes. Avec l’essor du capitalisme et des manufactures, le travailleur-producteur est séparé de ses moyens de production, l’artisan loue sa force de travail et ne possède plus son outil. Au fur et à mesure du développement du capitalisme, les produits autrefois confectionnés dans les familles seront fabriqués à l’extérieur. Dès lors, il y a dévalorisation du travail domestique, considéré comme non-productif de biens susceptibles d’être échangés. Puisque la responsabilité principale des femmes n’est pas la production, cela implique que leur travail correspond seulement à un appoint : il donne lieu à un salaire d’appoint au salaire masculin ; la notion de main-d’œuvre d’appoint implique aussi qu’on l’utilise au gré de la conjoncture. L’emploi des femmes va évoluer de plus en plus vers des métiers dits « féminins » qui prolongent leurs fonctions familiales et seront également sous-payés puisqu’ils correspondent à des activités non-productives, dévalorisées parce qu’elles dérivent des tâches familiales.
Au 20e siècle, toutefois, l’entrée massive des femmes dans les usines, puis dans les bureaux a jeté les bases de leur émancipation.
Le matriarcat
Ce mot semble parallèle au mot patriarcat. Mais en fait, c’est très différent. D’une part, les sociétés matriarcales signifiant des relations réelles de pouvoir, de domination, des femmes sur les hommes relèvent du domaine des légendes, des mythes. Les anthropologues et ethnologues semblent assez d’accord là-dessus. Par contre, le matriarcat pouvait désigner des sociétés où les femmes, fuyant l’autorité des hommes, constituaient donc des groupes ou sociétés où elles avaient tout le pouvoir. Mais c’était un pouvoir entre elles et non une oppression d’un autre groupe qui aurait été constitué d’hommes.
La matrilinéarité
Il ne faut donc pas confondre des sociétés matriarcales avec des sociétés matrilinéaires qui, elles, ont bien existé et où la filiation, la parenté, se transmet par les femmes.
Le sexe
Il y a une différence biologique de sexe : le sexe femelle et le sexe mâle. Ceux-ci sont déterminés par les chromosomes, les gènes. Il peut exister des combinaisons atypiques entre les chromosomes ; elles sont même considérables (1 naissance sur 500). Ces personnes intersexuées représentent donc environ 2 pour mille de la population. Nous pensons qu’il faut intégrer et apprécier cette diversité de la nature.
Pour évoquer cette diversité, le mot « Queer » est, à la base, un mot anglais signifiant « étrange », « peu commun », souvent utilisé comme insulte envers des individus gays, lesbiennes, transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels, bisexuels, adeptes du BDSM, fétichistes, travestis et transgenres à partir des années 1980, selon le même phénomène d’appropriation du stigmate que lors de la création du mot négritude.
En France, si le terme « Queer » est notamment connu du fait de séries télévisées présentant les gays comme des gens branchés, il n’en reste pas moins qu’il sert avant tout de point de ralliement pour ceux qui – hétérosexuels compris – ne se reconnaissent pas dans l’hétérosexisme de la société, et cherchent à redéfinir les questions de genre (Gender Studies). Depuis les années 2000, les mots allosexuel et altersexuel constituent des tentatives de traduction en français
Dans le même sens, le mot « LGBT » est le sigle de « Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered people » et adapté en français en « Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ». Il permet par un terme plus inclusif qu’homosexuel, de désigner un large groupe d’institutions, d’organisations et d’individus très divers, œuvrant dans le même sens. Lire la suite sur le site du CADTM
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