Profession : journaliste maghrébin au féminin

Dans quelle mesure les femmes journalistes vivent-elles dans l’entreprise média maghrébine un statut et des conditions professionnelles particuliers du fait qu’elles sont femmes ? Quelles sont les diverses manières et les différents prismes à travers lesquels les femmes journalistes s’autoperçoivent dans l’entreprise aux côtés de leurs confrères masculins ? Quelles situations discriminatoires vivent-elles en raison de leur statut de femme, dans l’exercice de leur métier ?

L’étude, commandée par le bureau de l’UNESCO à Rabat, a été menée grâce à des enquêtrices, une pléiade de femmes journalistes comptant plusieurs années d’exercice de cette profession dans les médias écrits et audiovisuels des cinq pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie).

Introduction : 

« Aborder le présent et l’avenir d’un métier ou d’une profession à l’échelle du Maghreb, incluant dans une même dimension la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, n’est pas une approche courante. Il est possible et assez fréquent d’appréhender des réalités similaires, comparables, voire identiques dans ces cinq contextes, nettement nationaux, aux particularismes avérés, dans des domaines tels qu’un secteur économique, des pratiques ou institutions politiques, des expressions culturelles ou artistiques. Mais il semble plus difficile d’identifier un « journalisme maghrébin », encore moins un « journalisme maghrébin au féminin ».

Si la pesanteur nationale caractérise fondamentalement cette profession « au féminin », comme, en fait, la profession de journaliste en général, il nous a été donné, malgré tout, de sonder des situations à même d’être définies et analysées par une seule et même approche. Aboutissant par là à des constats partagés entre les cinq contextes au présent et à de mêmes pistes de réforme ou de promotion pour le futur de ce métier au féminin dans la région. Cette opportunité a été, en l’occurrence, une enquête menée dans ces cinq pays auprès de femmes journalistes qui ont bien voulu se prêter à un sondage par questionnaire, doublé parfois, de focus groupes, à propos de leur exercice de cette profession en tant que femmes.

Cette approche genre a donc dominé la structure et le contenu des outils de cette investigation qui, en raison justement de pesanteurs locales, n’a pas pu être menée avec le même arsenal méthodologique, d’un pays à l’autre, bien qu’en bout de ligne, nous ayons pu atteindre l’essentiel de nos objectifs de départ et vérifier nos hypothèses de recherche.

Nos objectifs de départ visaient fondamentalement de :
  1. Vérifier et de déterminer dans quelle mesure la femme journaliste vit dans l’entreprise média maghrébine un statut et des conditions professionnelles particuliers du fait qu’elle est femme.
  2. Identifier les diverses manières et les différents prismes à travers lesquels la femme journaliste s’autoperçoit dans l’entreprise aux côtés de son confrère mâle, évalue et commente les supposées situations discriminatoires qu’elle vit en raison de son statut de femme, dans l’exercice de son métier.

Ce sont là les deux principaux objectifs qui nous animaient dans la conduite de cette recherche qui a été menée grâce à des enquêtrices, une pléiade de femmes journalistes comptant plusieurs années d’exercice de cette profession dans les médias (écrits et audiovisuels) des cinq pays.

Il est à noter que nos enquêtrices ont été largement sensibilisées à cette investigation et à ses objectifs, au cours de leur participation, pendant deux semaines à Rabat en janvier 2006, à un séminaire de formation ciblé sur le « renforcement des capacités professionnelles et d’entrepreneurship » des femmes journalistes au Maghreb. Lors de ce séminaire, dont le programme comportait aussi un module de formation sur les TIC, les 15 professionnelles présentes ont débattu longuement de leur situation en tant que femmes dans les médias de leurs pays respectifs. Des débats et échanges qui ont enrichi le référentiel de notre investigation, au plan des diagnostics, monographies et vécus professionnels, ainsi que nos hypothèses de recherche. Des hypothèses qui nous ont aidé à arrêter les axes et contenus de nos outils d’investigation (questionnaire et focus groupe) et dont nous avons retenu essentiellement :
  1. La femme journaliste est marginalisée à tous les niveaux et dans les aspects de son activité professionnelle au sein de l’entreprise, comparativement à son confrère
  2. La femme journaliste est, en règle générale, exclue des postes de responsabilité et des maillons importants de la chaîne de décision au sein de l’entreprise
  3. La femme journaliste est confinée dans le traitement journalistique de contenus mineurs ou ceux qui ne concernent que la femme, la famille, l’enfant, c’est-à-dire des domaines qui cadrent avec ce qui lui est dévolu habituellement dans la vie sociale par le fait qu’elle soit femme
  4. La femme journaliste est consciente de sa situation et fait preuve, en conséquence, d’ambitions d’affranchissement et de volonté de défendre, voire d’arracher, ses droits légitimes au titre de l’équité du genre.

Notre investigation nous a permis parfois de confirmer, parfois d’infirmer et d’autres fois encore de relativiser, l’une ou l’autre de ces hypothèses dans tel ou tel des cinq contextes examinés et au vu des déclarations faites par les professionnelles interrogées, soit un total de 325 Journalistes femmes de la région, 269 interrogées par questionnaire anonyme et 56 sondées par la technique de l’entretien de groupe (Focus Group).

C’est donc de la somme de nos remarques à cet égard que nous avons pu apporter des réponses à deux questions qui sous-tendaient nos deux principaux objectifs :
  1. Quid la situation discriminatoire de la femme journaliste dans l’entreprise maghrébine ?
  2. Comment la femme journaliste maghrébine s’autoperçoit dans une telle situation et appréhende son devenir au plan professionnel ? »