Ressource
Titre de la source : Etude sur la situation de la femme au MaliAuteur(s) : Bréhima Beridogo, Assa Gakou Doumbia, Fanta Camara Gakou, Fatimata Dembélé Djourté
Éditeur(s) : RECOFEM
Pays d'édition : Mali
Année : 2007
Etude sur la situation de la femme au Mali (PDF, 1,3 Mo)
Quelle est la situation des femmes au Mali ? Quelle est la place des femmes dans la vie publique et la prise de décisions, dans les médias ou encore dans l’économie ? Quelles difficultés les femmes rencontrent-elles dans leur accès à l’éducation ou à la santé ? Que sait-on des violences faites aux femmes maliennes ?
Ce rapport publié en 2007 par le RECOFEM (Projet de Renforcement des Capacités des Organisations Féminines du Mali) fait le point sur la condition féminine au Mali et formule des recommandations pour son amélioration. Malgré les récents bouleversements politiques, de nombreuses données restent pertinentes.
Résumé :
Cette étude porte sur la situation de la femme au Mali. Elle traite des avancées enregistrées suite aux différentes initiatives pour la promotion socioéconomique et politique de la femme. Elle s’est intéressée particulièrement à l’évolution qu’a connu son statut, aux opportunités et atouts, aux blocages et aux limites de cette promotion ainsi qu’aux stratégies opérationnelles pour améliorer, de façon significative, la performance des initiatives et actions engagées en faveur de la femme malienne.
Ainsi, le Mali est un vaste pays continental d’environ 1 241 238 km2, situé en Afrique de l’ouest avec une population estimée à 12 051 020 habitants en 2006. Il figure parmi les pays les plus pauvres du monde. La population malienne est à dominance féminine et ceci depuis les années 1989 (51,2 % en 1989; 50,5% en 2006). Cette population féminine est essentiellement rurale et jeune : en 2006 les moins de 15 ans représentaient 47,7% et les femmes rurales 68,0% de la population féminine.
L’état des lieux sur la situation des femmes au Mali a permis de mettre en exergue des avancées significatives ainsi que les inégalités qui persistent entre elles et les hommes dans différents domaines dont l’éducation, la santé, l’économie, la gestion de la vie publique, la pauvreté féminine, le droit, etc.
Donc, pour ce qui concerne l’éducation, le niveau d’éducation de la population féminine s’améliore mais des disparités persistent encore entre les deux sexes.
L’analyse de l’évolution de ces niveaux montre des progrès aussi bien dans les niveaux d’instruction2, d’alphabétisation de la population féminine que dans les taux de scolarisation des filles entre 1998 et 2006.
Malgré l’évolution progressive enregistrée, l’écart entre les deux sexes reste considérable. En 2006, 7 femmes maliennes sur 10 sont sans instruction contre 6 sur 10 chez les hommes. De même, seulement 2 femmes sur 10 sont alphabétisées contre 4 sur 10 chez les hommes. Des disparités persistent encore entre les filles et les garçons dans tous les cycles d’enseignement. Les contraintes que connaît la scolarisation des filles sont l’inadaptation des programmes à leurs besoins spécifiques, les pesanteurs socioculturelles, le poids des corvées domestiques, les mariages et les grossesses précoces, le harcèlement sexuel, l’accès aux infrastructures scolaires, le faible pouvoir économique des parents. Les femmes sont également restées en marge des activités d’alphabétisation en raison de leurs multiples occupations, de la réticence des maris, des pesanteurs socioculturelles et de l’extrême pauvreté des populations surtout en milieu rural.
Quant à la santé, on constate une amélioration de quelques indicateurs mais la santé de la reproduction des femmes demeure toujours précaire.
Dans le cadre de la prise en compte de l’équité genre, force est de reconnaître que depuis un certains temps, des efforts ont été faits en matière de santé au Mali. Cependant on constate toujours une précarité au niveau de la santé de reproduction des femmes. La fécondité demeure élevée au Mali car l’indice synthétique de fécondité (ISF), ou nombre d’enfants obtenus par une femme pendant sa vie féconde passe de 6,8 en 2001 à 6,6 en 2006. Le taux de mortalité maternelle s’aggrave : 577 naissances vivantes pour mille en 2001, 582 en 2006. Un pourcentage important des accouchements se fait toujours en dehors des établissements sanitaires surtout en milieu rural (77% en milieu rural ; 22% en milieu urbain). L’incidence du VIH/SIDA est en baisse mais les femmes restent toujours plus vulnérables : 3% chez les femmes en 1996 (2,6% chez les hommes); 1,5% en 2006 (1,0% chez les hommes).
La précarité de la santé de reproduction des femmes est liée à la méconnaissance sinon le rejet des moyens de contraception/protection ainsi qu’à la persistance de certaines pratiques telles que l’excision, les mariages précoces, etc.
En dépit de cette situation de précarité, certains indicateurs se sont améliorés dont l’accès aux infrastructures de santé et par conséquent le nombre de femmes allant en consultation prénatale.
Pour ce qui concerne, l’économie, l’étude révèle que les femmes sont présentes dans tous les secteurs de production ; mais leur participation, leur accès aux actifs de production ainsi que le contrôle et la gestion des ressources sont limités.
Les femmes se retrouvent principalement dans les activités agricoles, informelles (commerce, services) et dans les positions les moins favorables (aide familial, etc.) Elles sont presque absentes des autres secteurs et qui sont généralement considérés comme des secteurs réservés aux hommes (Industries, mines, BTP, etc.).
Les disparités enregistrées entre les hommes et les femmes dans leurs occupations économiques ne sont que la conséquence logique de la division sexuelle du travail née de l’organisation patriarcale qui les maintient dans des fonctions de reproduction dans la société. Cette organisation confère également le rôle de chef de ménage, de chef d’exploitation à l’homme qui assume de ce fait la gestion et le contrôle des ressources productives (terres, équipements et intrants) et des revenus issus de l’activité.
L’accès des femmes au crédit, facteur de promotion des activités génératrices de revenus, s’est amélioré par le développement du réseau des micro finances, et surtout des systèmes financiers décentralisés (SFD) et des fonds spéciaux (Layidu, SYCREF). Cependant, des contraintes demeurent par rapport à l’accessibilité des femmes au crédit et ne favorisent pas la promotion de leurs activités : exigences fortes sur le dépôt initial, taux d’intérêts élevés, délai de remboursement trop court, faible niveau des montants prêtés.
La sous-estimation des activités féminines dans les statistiques actuelles constitue également une contrainte à laquelle les femmes sont confrontées car elle ne permet pas de valoriser leur contribution réelle dans l’économie.
Quant à la participation de la femme à la gestion de la vie publique, notamment sa représentation dans les instances de décision, on constate qu’elle est faible. Cependant, sous la Troisième République, la femme est plus présente dans les instances de décision que sous les Républiques précédentes. Cependant, malgré la volonté politique des autorités, non seulement la parité homme / femme n’est pas effective mais les perspectives sont loin d’être favorables, même à long terme si des mesures ne sont pas envisagées.
Il ressort de l’analyse du thème femme et pauvreté que les indicateurs de pauvreté disponibles ne nous permettent pas de mesurer réellement la pauvreté féminine au Mali car ils assimilent le niveau de vie de l’individu à celui du ménage tout entier. Or les femmes ne détiennent pas généralement le pouvoir de contrôle et de gestion des ressources du ménage. Cependant, de nombreux facteurs concourent vers une « féminisation massive » de la pauvreté: manque d’instruction et de qualification, santé précaire, accès limité aux opportunités d’emploi et de crédit, faible représentation dans les instances de décision.
Pour ce qui concerne les aspects institutionnel et politique, le Paysage institutionnel est constitué de mécanismes étatiques, d’organisations de la société civile, et de partenaires techniques et financiers (PTF). Ces derniers regroupent les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les organisations internationales.
Les Mécanismes étatiques regroupent le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille (MPFEF) et services rattachés, des Institutions constitutionnelles, décentralisées et des autorités administratives indépendantes, des mécanismes de concertation et des Initiatives d’Intervention et programmes de promotion de la femme.
Les organisations de la société civile sont organisées en faîtières et mécanismes de concertation sont entre autres: la CAFO (plus de 2000 membres dont 68 ONG ), la FENAFER, le GP/DCF (8 ONG membres ), Yiriba Suma (28 ONG membres), le REFAMP- Mali, le CNSC (environ 7O membres ), le CCA-ONG (177 membres dont des ONG nationales et internationales), le SECO-ONG (180 membres ), etc.
Les Partenaires techniques et financiers (PTF) comprennent les Institutions/organisations bilatérales ou multilatérales et les Organisations non Gouvernementales Internationales et disposent de mécanismes de concertation informelle.
Il se dégage de cette présentation que l’environnement institutionnel par rapport aux questions de femme et genre est assez fourni et diversifié tant au plan national qu’international en termes d’institutions et d’acteurs.
L’analyse de quelques éléments (vision/mission, stratégies, ressources humaines, matérielles et financières, systèmes de suivi évaluation, acquis et limites, opportunités et menaces) relevant de différents acteurs fait apparaître des insuffisances, mais aussi des acquis positifs.
Le cadre politique a été analysé à partir des textes de politique comme les lettres de politiques, les documents et programmes de politiques et les plans opérationnels et aussi les mesures de discrimination et autres dispositions pouvant influencer la promotion de la femme et du genre.
L’Etat des lieux politiques a embrassé les OMD, le CSCRP et les domaines sectoriels (éducation, santé, développement social, environnement, et développement rural, eau et assainissement, emploi et formation professionnelle, décentralisation, habitat, emploi.
L’analyse politique présente en général une faible prise en compte du genre. Cette situation pourrait avoir des répercussions sur les autres niveaux opérationnels. Aussi, conviendrait-il d’associer les acteurs dans la définition des politiques au lieu de procéder à des rattrapages.
Les opportunités institutionnelles et politiques se caractérisent par la collaboration entre différents acteurs intervenants et entre acteurs institutionnels et coopération bi et multilatérale, la collaboration entre les Organisations de la Société Civile et leurs partenaires, la collaboration entre acteurs institutionnels et partenaires techniques et financiers.
Quant aux menaces, sur le plan institutionnel, on peut noter entre autres, l’orientation de l’appui des PTF vers le budget national, le manque de coordination au niveau des associations et d’organisations féminines, l’insuffisance de synergie dans les actions des structures et organisations faîtières, le manque de compétence dans l’analyse et la formulation de politique tenant compte du genre, etc.
Les menaces politiques, elles, portent essentiellement sur la politisation des interventions, l’interférence des politiques dans les organisations féminines, la non-concrétisation de la volonté politique affichée, etc.
Les systèmes de suivi-évaluation, en matière de lutte pour la promotion de la femme présentent des insuffisances. Une systématisation de cette tâche s’impose.
Au plan juridique et au niveau international il est important de noter que le Mali a ratifié les instruments internationaux sans émettre des réserves ce qui pourrait être interprété théoriquement comme une volonté affirmée d’adhérer aux concepts internationaux d’évolution sans condition des droits humains en général, des droits de la femme en particulier. Dans l’application pratique du contenu de ces textes, une autre réalité se dégage compte tenu de la survivance des discriminations que recèlent certains textes nationaux et du refus de prendre des mesures discriminatoires positives dans des domaines essentiels pour améliorer la situation des femmes. Les exemples types sont le projet le Code des personnes et de la famille qui est en souffrance depuis des années et le rejet du quota en faveur des femmes lors de l’adoption du Code électoral. En outre, une autre situation menace gravement la promotion du statut de la femme. Elle est relative au refus d’homologation de l’ordonnance de ratification du protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des femmes. A l’analyse, le contenu de ce texte n’est pas différent du contenu de la CEDEF qui a été ratifié sans réserve par le Mali. Le Protocole de Maputo a simplement la particularité de s’attaquer aux problèmes spécifiques rencontrés par les femmes africaines en recommandant des mesures adaptées aux différentes situations. Dans ce contexte, la décision prise par les députés peut s’analyser comme un rejet du contenu de la CEDEF qui ne fait que préciser les droits reconnus à tous les individus dans la DUDH et les deux pactes internationaux. Au-delà d’un tel désaveu politique de l’exécutif, le refus d’homologation peut s’analyser comme une négation de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples citée en référence dans l’acte fondamental.
Au niveau du cadre juridique national, Il existe un décalage entre les principes proclamés et les réalités du terrain. Le principe de l’égalité est mal perçu par l’ensemble de la population y compris des femmes et certains décideurs pour lesquels l’égalité entre hommes et femmes relève de l’utopie.
Certains domaines de la vie sociale ne sont pas suffisamment réglementés par les textes. Dans d’autres cas, les femmes sont confrontées à des vides juridiques en ce qui concerne l’exercice de leurs droits, alors que de nombreux textes recèlent encore des discriminations à leur égard faute d’harmonisation avec les conventions internationales. De même, il existe une méconnaissance chronique du processus judiciaire et des lois qui ne sont pas accessibles aux populations
Comme conclusion, il apparaît entre autre que l’équité /égalité du genre est loin d’être atteint au Mali. Donc en recommandations, il est primordial de :
– lutter contre les pesanteurs socioculturelles pour mettre fin à la discrimination et aux stéréotypes qui entravent la promotion des femmes,
– Mettre en œuvre une politique visant à garantir l’égalité effective des hommes et des femmes dans tous les domaines et surtout appliquer une politique de parité en matière de recrutement du personnel,
– Appuyer techniquement, financièrement et matériellement la société civile et les organisations de défense des droits humains dans leurs activités de formation, d’information et d’assistance juridique aux femmes,
– Faire adopter le code des personnes et de la famille qui apparaît aujourd’hui comme une nécessité et une priorité transversale pour l’amélioration du statut de la femme en vue d’éliminer les discriminations à l’égard de la femme et de rétablir sa pleine et entière capacité civile.
Des recommandations spécifiques ont été faites selon les domaines (éducation, santé, pauvreté, économie, etc.) et aussi aux différents acteurs (Etat, PTF, Société civile).
En matière de promotion de la femme et d’équité du genre, des efforts sont entrepris et une dynamique est en cours. Mais ces efforts très fragiles ont besoin d’être soutenus par des actions de tous, des femmes elles-mêmes, des organisations de la société civile, des partis politiques, des gouvernements, des PTF, mais surtout par une volonté politique conjuguée de traduire en actes qualitatifs le discours politique.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.