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Titre de la source : « Freiner la déforestation en RDC par la sensibilisation des populations »Auteur(s) : Caroline Flepp, Annie Matundu-Mbambi
Éditeur(s) : Adéquations, Egalité Info
Année : 2012
« Freiner la déforestation en RDC par la sensibilisation des populations » (PDF, 20 Ko, 4 p.)
Où en est le problème de la déforestation en République Démocratique du Congo (RDC) et quelles sont les implications de ce phénomène sur la vie des familles et des femmes en particulier ? Annie Matundu-Mbambi, présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté en RDC (WILPF-DRC), a répondu aux questions de Caroline Flepp pour Egalité Info.
La République Démocratique du Congo est l’un des pays d’Afrique dont la couverture forestière est parmi la plus importante du monde. Le changement climatique concerne tout autant les femmes que les hommes, mais de manière très différenciée du fait de leurs rôles et de leurs statuts respectifs dans leur environnement socio-économique.
La RDC occupe la 7e place au niveau mondial sur la liste des pays ayant un fort pourcentage de déforestation, après la Russie, le Brésil, le Canada, les Etats-Unis, la Chine, et l’Indonésie. Les forêts recouvrent environ les deux-tiers de la superficie du pays et la moitié de cette zone a été ouverte à l’exploitation par la nouvelle politique forestière introduite par la loi du 29 août 2009. Conformément à l’esprit de cette loi, les forêts constituent la propriété de l’Etat.
Malgré la mise en place de ce long processus de réforme du secteur forestier en RDC, la corruption, l’absence de contrôles, les fraudes et les activités illicites continuent de caractériser les activités d’exploitation forestière, tandis qu’impunité et manque de transparence sont toujours de mise dans le secteur.
Les titres forestiers sont attribués en l’absence de tout processus participatif de plan d’usage des sols, et des millions d’hectares sont livrés à des exploitants forestiers. L’exploitation forestière industrielle entraîne la dégradation des forêts naturelles, qui à son tour ouvre la voie à la déforestation des massifs forestiers.
Mais, au-delà de ce constat, il est une évidence : à l’heure actuelle, les causes majeures de la déforestation en RDC restent avant tout le fait de la population elle-même et proviennent, par ordre d’importance, de la pratique de l’agriculture itinérante sur brûlis, de la coupe de bois de chauffe, du braconnage, de l’exploitation artisanale et de l’exploitation industrielle non contrôlée.
Le sort des forêts de la RDC dépendra en grande partie de la mise en pratique des décisions qui seront prises dans les années à venir, marquées par la finalisation de la réforme du secteur forestier et l’élaboration d’une stratégie nationale de réduction des émissions des gaz à effet de serre liées à la déforestation et à la dégradation forestière.
– Quelles sont les conséquences au quotidien de la déforestation pour les femmes, les familles ?
Dans le cas de la déforestation, il y a des conséquences sur les pratiques des populations : le gibier se fait plus rare, l’accès aux zones déboisées se fait plus facilement pour les trafiquants de bois et les braconniers. Les hommes chassent quelle que soit la saison pour vendre la viande et non pour la consommer. Ils ne respectent pas les périodes de reproduction de la faune.
En dépit de la lourde responsabilité qui incombe aux femmes – et aux femmes rurales en particulier –, elles ont des difficultés à trouver les ressources du ménage à cause de la déforestation. Elles sont obligées de passer plus de temps à la recherche de bois de feu, de l’eau et des autres ressources. L’érosion des sols, la pénurie d’eau limitent la productivité des potagers familiaux. Les arbres fruitiers comme les avocatiers, les manguiers et les safoutiers se font rares, d’où un impact direct sur la vie économique des familles.
Les distances à parcourir sont de plus en plus grandes et exposent les femmes à toutes sortes de risques pour leur santé. Il s’ensuit des avortements, une plus grande mortalité infantile. On constate aussi une faible scolarité des filles, une déperdition scolaire plus forte, et aussi une immigration d’une partie de la population vers de grands centres urbains.
– Quelles actions avez-vous mené contre la déforestation dans votre ONG ?
Les activités menées par l’Action femmes du Bas-Fleuve (Afebaf) ont pour principal objectif la réduction des émissions de gaz à effet de serre par la diminution de la déforestation et de la dégradation des forêts.
Actuellement, le défrichage des forêts au profit de l’agriculture itinérante et de la fabrication des combustibles pour répondre aux besoins de la population paupérisée constituent une des causes de la déforestation dans la province du Bas-Congo. Des arbres qui mettent un siècle à pousser sont abattus en l’espace de cinq minutes. Nous sensibilisons les communautés au sujet des multiples bienfaits des arbres.
La déforestation rompt l’équilibre entre l’arbre, le sol, le climat et les activités de l’homme. Il s’ensuit la formation de savanes, la dégradation et la faible productivité des sols, la pauvreté et la famine. Des espèces végétales et animales sont menacées et disparaissent. Pour y remédier, nous organisons des séances de plantation de pépinières pendant lesquelles nous invitons chaque personne présente à veiller à la survie des plants.
La pénurie des produits forestiers ne permettant plus de satisfaire les besoins de la communauté en nourriture et en besoins médicaux, nous encourageons les pratiques génératrices de revenus en distribuant des graines de moringa qui sont plantées pendant les séances de sensibilisation et d’information.
La déforestation est également due à la production de bois qui ne cesse d’augmenter et à la demande toujours croissante de bois de chauffe. Sur des parcelles immenses, on ne voit plus que des restes de troncs, les moignons des arbres abattus. Et comme le bois reste quasiment la seule source d’énergie domestique utilisée en milieu rural et parfois en milieu urbain, nous recommandons à la population de l’utiliser de manière plus rationnelle et plus durable. Certaines communautés commencent à prendre leurs responsabilités dans la lutte contre la déforestation.
Les populations locales prennent conscience du lien entre la déforestation et la dégradation des forêts et les phénomènes qu’ils vivent dans la vie quotidienne (changement climatique, érosions, inondations, etc.).
Travaillez-vous à partir d’un plaidoyer genré et si oui comment est-il reçu ?
Notre expérience, après quatre ans de mise à l’essai sur le terrain avec les communautés rurales composées de femmes et d’hommes, démontre qu’il s’agit d’un moyen très efficace pour permettre aux communautés de recenser et présenter leur utilisation des ressources forestières.
Des personnes de tous les secteurs de la communauté, femmes et hommes, jeunes et âgés se mobilisent pour faire valoir ce plaidoyer auprès des autorités afin d’améliorer les conditions de vie des communautés locales. La communauté est sensible à cette approche visant à faire connaître le danger de la déforestation et la nécessité de reboiser les forêts et qui concerne tout le monde.
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