Yvonne NGOYI YAKABWE est une militante de la République démocratique du Congo. Elle nous explique les causes et effets du changement climatique mais surtout leur lien avec l’autonomie des femmes.
Les causes du changement climatique
C’est le carbone soit le CO2 – gaz à effet de serre provenant des industries, des véhicules motorisés, des forêts, des savanes brûlées et des déchets domestiques ou industriels mal gérés – qui participe à la destruction de l’atmosphère. La dégradation de la couche d’ozone, en provoquant une augmentation des températures et du climat sur l’ensemble de la planète, est à l’origine du changement climatique.
Les effets du changement climatique
Ils se manifestent au travers d’une augmentation significative des inondations, des vagues de sécheresse, des ouragans, des pluies torrentielles, des cyclones ou encore de l’élévation du niveau des mers.
L’autonomie des femmes rurales face aux changements climatiques
La majorité des femmes des pays du Sud vivent dans la pauvreté et l’inégalité. Or, ce sont précisément elles les premières touchées par la crise climatique générée en très grande partie par l’émission de CO2 provenant essentiellement du Nord.
Quatre-vingt pour cent du 1,3 milliard de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans le monde sont des femmes.
Dans les pays non industrialisés, souvent situés au Sud de cette planète, les femmes paysannes produisent 80% de la nourriture. La désertification, la perte de ressources en eau, etc., ont un impact énorme sur leur vie quotidienne. Quand les terres ne produisent plus de nourriture à cause du changement climatique, les femmes et leurs enfants forment la majorité du contingent des personnes déplacées, obligées de prendre le chemin de l’exil pour survivre.
Un rapport publié par Oxfam en juin 2009, « The Winds of Change : Climate change, poverty and the environment in Malawi » (Les vents du changement : changement climatique, pauvreté et environnement au Malawi) explique que les femmes sont les premières victimes du changement climatique de par la multiplicité de leurs rôles : elles sont autant productrices de nourriture, d’eau, de bois de chauffage que personnes ayant la charge des enfants et de la famille en général. Ce document explique également que les Malawiennes n’ont aucun pouvoir sur la prise de décisions. En accentuant pauvreté et inégalités, le changement climatique contribue à intensifier la pression sur les femmes afin qu’elles se prostituent. Ce recours à la prostitution pour assurer l’alimentation des siens expose les femmes à un risque accentué de contamination par le virus du SIDA qui, à son tour, affaiblira la capacité des populations à résister au chaos climatique.
En 2008, le nombre de personnes mal nourries a augmenté de 800.000 unités pour atteindre le chiffre global de plus de 1 milliard d’individu-e-s. En même temps, ressurgissent des maladies telles que le choléra, maladies parfaitement évitables mais qui réapparaissent dans cette crise de civilisation.
La réponse néo-malthusienne à la crise climatique prétend qu’il y a trop de monde sur la planète. Elle cherche à limiter le droit des femmes à disposer de leur corps. Il s’agit d’une rhétorique raciste : de fait, la croissance démographique est bien plus importante au sud qu’au nord de l’hémisphère.
Nous luttons simultanément pour l’élargissement des droits des femmes concernant le contrôle de leur fécondité et pour l’éradication de la pauvreté, seul moyen à même de diminuer la pression démographique dans les communautés. Nous luttons également contre le consumérisme capitaliste : une consommation de produits sans valeur d’usage et nocifs pour l’environnement.
L’expansion de l’agro-business, de la production d’agro-carburants et de la vente des sols aux multinationales est à l’origine d’une perte de terre et d’autonomie pour les petit-e-s producteurs/rices, dont la majorité sont des femmes provenant la plupart du temps de communautés indigènes.
Les femmes indigènes et les paysannes sans terre jouent un rôle central dans la défense des écosystèmes forestiers contre les gouvernements qui veulent les vendre au plus offrant généralement à des multinationales avides d’eau, de bois tropicaux (à croissance très lente), de pétrole et de minerais divers. Souvent, ces multinationales utilisent les terres pour la production d’agro-carburants… Les actions des femmes de Via Campesina au Brésil qui ont détruit les plantations d’eucalyptus d’Aracruz Celulosa, constituent un exemple emblématique de l’implication et du rôle moteur des femmes dans la défense de la biosphère. Au sein de beaucoup de communautés indigènes, elles sont les actrices centrales de la défense des terres ancestrales.
Alternatives aux changements climatiques
● Baisse de la consommation d’énergie par l’arrêt des productions qui gaspillent (cf. l’industrie de l’armement, du nucléaire, la publicité, l’expansion du transport aérien).
● Relocalisation de la production, y compris de l’agriculture.
● Arrêt de l’utilisation de ressources énergétiques dangereuses et expansion des énergies renouvelables.
● Transports publics de bonne qualité et gratuits.
Nous devons traiter les déchets de cuisine en séparant les déchets pourrissables des déchets non pourrissables qui seront reconditionnés.
Comme l’ont indiqué les experts du ministère de l’Environnement, avec ses 145 millions d’hectares de forêts tropicales, la République démocratique du Congo joue un rôle important dans la régulation du climat. Les forêts congolaises capturent un nombre important de gaz carbonique ou CO2 émis, non seulement par le Congo, mais également par d’autres pays du monde. Selon eux, la RDC se trouve en bonne position pour bénéficier des financements issus du processus REDD (processus de réduction des émissions de gaz). Avec l’organisation, cette année à Kinshasa, du Forum de haut niveau sur la forêt et le changement climatique, la voie a été balisée pour le pays.
Afin de lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts en RDC, des forêts artificielles ont été créées pour stocker le CO2. C’est notamment le cas du projet Ibi sur le plateau de Batéké à Kinshasa.
Lors de la Conférence de Durban sur les changements climatiques de décembre 2011, gouvernements, ONG et scientifiques se sont fixé comme objectif la réduction des rejets des gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique planétaire à + 2 degrés à l’horizon 2040. Pour y arriver les climatologues proposent de contrôler l’évolution des émissions de CO2 dans le monde.
Au pays de Mandela, les discussions portent aussi sur les modalités de compensation pour tout pays ayant avancé dans le processus REDD. Dans un communiqué, Monsieur Nnimmo Bassey, président de la Fédération internationale des Amis de la Terre affirme : « Tout autre accord qu’un accord juridiquement contraignant avec de fortes réductions des émissions pour les pays développés, dans une seconde phase d’engagements du Protocole de Kyoto, doit être appelé par son nom : ce sera un permis d’incinérer l’Afrique et ses peuples ». « Nous n’avons pas besoin d’un nouvel accord, il y en a un qui existe déjà », relève Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre France. Pour elle, « un nouveau mandat sera une porte ouverte à la dérégulation en matière de climat, les pollueurs continueront à polluer, les spéculateurs tireront profit de la pollution et le reste du monde devra supporter le fardeau de la crise climatique ».
En faisant entrer l’agriculture et les forêts « dans les mécanismes de la finance carbone », on les livre « à la spéculation aux dépends des humains les plus vulnérables et des climats », estime l’association.
L’autonomie économique des femmes se réfère à leur capacité à pourvoir elles-mêmes à leurs besoins ainsi qu’à ceux des personnes qui dépendent d’elles et à décider de la meilleure façon d’y parvenir. L’autonomie économique est une notion plus large que l’autonomie financière dans la mesure où elle comprend aussi l’accès à la sécurité sociale, à la terre, aux services sociaux de base ainsi qu’aux services publics.
Le salaire n’est pas la seule composante de l’autonomisation des femmes, celle-ci dépend aussi et surtout de leur formation, de l’éducation qu’elles auront reçue et de l’accès aux biens communs, au crédit, à l’économie solidaire, à la terre et aux services publics.
Les femmes paysannes produisent les richesses non-monétaires qu’elles redistribuent directement (sans passer par le système financier formel) : depuis leur jeunesse, les femmes consacrent une grande partie de leur temps à satisfaire les besoins de leur société, des membres de leur famille et de leur communauté via des activités paysannes (agriculture, pêche, élevage) qui toutes dépendent d’un climat favorable pour être prospères.
Malgré la combattivité et la créativité des femmes pour obtenir leur autonomie, les Institutions financières internationales (IFI)- agentes fidèles du système capitaliste – au travers de leurs plans d’ajustement structurel, d’austérité et de leurs coupes dans les budgets sociaux éloignent, chaque jour un peu plus, les femmes de leur autonomie économique, véritable pilier de leur émancipation. Aujourd’hui, les perturbations et destructions générées par le changement climatique renforcent l’éventail des obstacles à l’indépendance réelle et totale des femmes.
Dans certains pays, communautés ou familles, selon la loi ou la coutume, l’autorisation du père, du mari ou d’un homme de la famille est obligatoire pour leur permettre d’exercer une activité rémunérée. En outre, de par le monde, les femmes sont moins scolarisées que les hommes et les filles rencontrent beaucoup de difficultés pour continuer leur cursus. Les plans d’ajustement structurel, liés au remboursement de dettes le plus souvent odieuses et illégitimes, ne sont pas du tout étrangers à ce phénomène !
Si heureusement ces dernières années, on observe une augmentation de la scolarisation des femmes, leur formation ne débouche pas pour autant et moins que pour les hommes sur un emploi rémunéré. Pour celles qui gagnent un salaire, celui-ci est généralement moins élevé que celui d’un homme travaillant à un poste équivalant.
De plus, généralement et ce, que l’on habite au sud ou au nord de cette planète, ce sont les femmes qui s’occupent du travail reproductif, à savoir : le soin des enfants, de la maison, des maris, des malades et des personnes âgées, l’entretien des temples et des églises, la préparation des cérémonies mortuaires… Ainsi, les femmes doivent toujours gérer leur temps et disponibilité entre travail reproductif (de soin) et travail rémunéré. De ce fait, elles se trouvent souvent limitées à des emplois à temps partiel ou informels qui, si de par leur flexibilité, leur permettent d´aller chercher les enfants à l’école, de s’occuper de leur santé, etc. ne leur assurent nullement des revenus suffisants pour leur garantir une réelle autonomie financière.
Réaliser une réforme agraire en distribuant les terres à celles et à ceux qui les travaillent garantirait la souveraineté alimentaire.
La crise climatique en cours affecte et affectera tous les peuples mais plus spécifiquement ceux du sud de la planète et parmi eux, les femmes seront les plus touchées.
Nous devons nous inspirer des conclusions du Sommet des peuples sur le changement climatique qui s’est tenu sous l’initiative du gouvernement bolivien à Cochabamba en avril 2010. Selon les participant-e-s à cette rencontre, l’éradication de la pauvreté et de l’injustice tout comme l’autonomisation des femmes rurales sont bel et bien possibles à condition de sortir de l’ordre international actuel et d’impulser un autre modèle de développement respectueux de la nature, instaurant une distribution socialement juste de la terre et une équité dans l’accès au bien commun.
Unissons-nous autour des femmes rurales en éveillant leur conscience, en les sensibilisant sur les dangers que contiennent les changements climatiques sur leur production agricole qui assure leur survie ainsi que celle de toute leur famille.
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